Des marchés tiraillés entre soutien monétaire et résurgence de la pandémie

 

Le mois de juin a été plus volatil avec de fortes fluctuation à la hausse et à la baisse des marchés, qui sont tiraillés entre, d'une part, la politique énergique des banques centrales et le soutien budgétaire et, d'autre part, les conflits commerciaux et la résurgence de la pandémie. Les banques centrales étaient déjà très actives, et la BCE a ajouté 600 milliards d'euros à son programme PEPP tout en le prolongeant jusqu'en juin 2021. La Fed et la BPdC sont également restées très accommodantes, ajoutant des déclarations fortes à leur ton déjà très conciliant. On observe en outre des signes de stabilisation de l'économie, avec une amélioration des chiffres de l'emploi aux États-Unis et de meilleures données macroéconomiques en Chine. Cette évolution favorable a toutefois été perturbée vers la seconde moitié du mois, car plusieurs pays clés (États-Unis, Russie, Brésil et Inde) ont enregistré une forte augmentation des cas de coronavirus qui fait craindre une deuxième vague. De plus, les tensions liées aux conflits commerciaux en cours entre les États-Unis et ses partenaires (UE et Chine) ont refait surface, venant alimenter les incertitudes. Enfin, les négociations sur le « Brexit » ont une fois de plus tourné au vinaigre, le Royaume-Uni soulignant sa volonté de quitter l’UE même sans accord. Ce contexte n'a cependant pas empêché les marchés obligataires d'afficher un nouveau mois de performance positive, faisant fi des incertitudes et de la faiblesse des fondamentaux. Les produits de spread tels que les obligations à haut rendement ou la dette émergente ont ouvert la voie, également soutenus par les prix du pétrole qui se sont redressés en raison d'une forte demande de la Chine et des baisses de production de l'OPEP.

La puissance des banques centrales continue de susciter l’émerveillement, car elle semble être le principal moteur de la flambée actuelle des marchés de la dette (et même des actions). Alors que les défaillances et les faillites se profilent à l'horizon, que les fondamentaux sont plus faibles que jamais et que près de 100 milliards de dollars relèvent désormais de la catégorie des « anges déchus », les marchés à haut rendement parviennent encore à offrir un trimestre avec des rendements à deux chiffres. Les investisseurs se demandent également si c'est simplement l’apport de liquidité qui est le moteur de ces rendements, ou si ce sont les « esprits animaux » qui se sont réveillés à la suite des achats des banques centrales. Toute cette hardiesse ne saurait toutefois occulter le fait que, globalement, la faiblesse macro-économique est omniprésente. Notre indice du cycle d'activité enregistre un effondrement complet, tous les pays du G4 étant en récession. Cet indice interne nous a en effet non seulement permis d'anticiper un ralentissement aux États-Unis depuis le début de l’année dernière, mais également de suivre la détérioration de l'indicateur, qui n’a cessé de chuter jusqu'à passer en récession en février. Soit dit en passant, le NBER (National Bureau of Economic Research) a récemment déclaré que la récession américaine avait effectivement commencé officiellement en février, validant ainsi notre modèle. Le fait que la récession ait commencé avant les fermetures aux États-Unis et en Europe montre une fois de plus que les perspectives étaient moroses avant même que la force du virus ne frappe de plein fouet l'économie mondiale. Alors que la désinflation s’installe dans le monde entier, nous nous rendons compte que les banques centrales n'ont désormais plus d'autre choix que de continuer à adopter une position très accommodante, qui laisse présager un soutien fort pour les marchés obligataires. Cependant, bien que nous soyons très attentifs aux chiffres publiés, il est clair que le monde est toujours aux prises avec le coronavirus et que des pays comme les États-Unis, le Brésil et l'Inde n'ont toujours pas atteint le pic de l’épidémie, sans même parler d’une deuxième vague qui pourrait potentiellement se produire au quatrième trimestre 2020. Les fondamentaux ont encore beaucoup de chemin à faire avant d’observer une reprise de la croissance ou de l'inflation, et les entreprises devront faire face à la baisse de l'efficacité, de la production et de la demande dans ce contexte. Dans ce scénario, la prudence et la sélectivité seront de rigueur dans un monde où les pays se débattent entre le déconfinement et la nouvelle normalité qui s'est installée partout, y compris sur les marchés financiers.

Position neutre sur les taux américains et européens

La reprise en forme de V qui avait été initialement anticipée aux États-Unis ne se concrétise pas et le pays s'est installé dans une phase de désinflation. Quelques chiffres et données positifs ont été observés ces dernières semaines en matière d’emploi. Alors qu'il y a un mois, le déconfinement avait provoqué un regain d’optimisme, le pays enregistre désormais chaque jour de nouveaux records de cas de Covid-19 et son infrastructure médicale apparaît extrêmement fragile. Dans ce contexte, certains États reviennent à des mesures de confinement, ce qui pourrait entraîner un nouvel affaiblissement économique. De plus, le programme budgétaire n'a toujours pas été annoncé, car les manœuvres politiques conduisent à de nouveaux désaccords alors que nous entrons en période de campagne électorale. Dans ce contexte, nous nous attendons à ce que les bons du Trésor fluctuent à l’intérieur d’une fourchette déterminée.

D'autres taux du bloc dollar semblent intéressants et nous avons une position légèrement positive sur les taux canadiens et néo-zélandais. La courbe des taux souverains canadiens semble être relativement plus pentue, tandis que la Nouvelle-Zélande bénéficie d'une banque centrale conciliante qui va accroître son programme d'assouplissement quantitatif dans le souci de maintenir les coûts d’emprunt à des niveaux peu élevés.

La décision de la BCE d'augmenter et de prolonger son PEPP (à hauteur de 600 milliards d'euros) a suscité beaucoup d’attention. Nous n’oublions pas en parallèle que le plan de relance budgétaire de l'UE est en cours de discussion et pourrait, une fois approuvé, avoir un impact positif important sur l'économie. Sachant que les valorisations restent élevées sur les marchés des pays centraux de la zone euro, nous visons une position négative sur ce segment. Nous privilégions les taux d'intérêt des pays périphériques en ayant une surpondération de l'Espagne, du Portugal et de l'Italie par rapport aux taux allemands. Les obligations souveraines des pays périphériques ont surperformé celles des pays centraux en mai et restent soutenues par les programmes d'achat d'actifs de la BCE. Elles seront en outre les principales bénéficiaires du fonds européen de relance récemment annoncé pour un montant de 750 milliards d'euros. Bien que ce fonds de relance de nouvelle génération bénéficie du soutien de la France et de l'Allemagne, il reste à savoir s’il aura une puissance de feu suffisante et dans quel délai un consensus pourra être trouvé avec les États membres plus sceptiques (Autriche, Pays-Bas, Suède et Danemark). Nous demeurons neutres sur la duration EUR.

 

Devises des marchés développés : position négative sur le dollar et sous-pondération de la livre

Notre cadre d’analyse interne continue de faire ressortir un avis négatif à l’égard du dollar américain. Les baisses de taux, le programme d'assouplissement quantitatif et l’attitude conciliante de la Fed vont également dans le sens d'un affaiblissement du dollar. De plus, si l'économie américaine devait vaciller à cause du coronavirus (alors que l'UE semble mieux réussir à y faire face), le billet vert pourrait continuer de se déprécier. Dans ce contexte, nous préférons avoir une position tactiquement négative sur le dollar américain tout en continuant de le surveiller de près.

La livre sterling devrait continuer de subir des pressions, car le Royaume-Uni reste l'un des pays les plus touchés par le Covid-19. Son double déficit reste également conséquent et les négociations commerciales avec l'UE apparaissent de plus en plus difficiles. En ce qui concerne le « Brexit », il ne semble pas y avoir beaucoup d'efforts pour prolonger la période de transition et les négociations semblent être dans une impasse. La Banque d'Angleterre continue enfin (et naturellement) d’avoir une position extrêmement conciliante, ce qui devrait profiter à notre position sous-pondérée sur la devise.

Dans un environnement où le risque politique est à son apogée (guerres commerciales, manifestations aux États-Unis, « Brexit »), le yen japonais représente une valeur refuge attrayante qui offre actuellement une protection relativement bon marché. Cela explique notre position tactiquement positive sur cette monnaie.

 

Crédit : avis favorable sur le segment Investment Grade

Le marché du crédit IG en euro a terminé le deuxième trimestre sur une performance positive. Malgré une offre considérable, la demande a été forte de la part des investisseurs en quête de rendement. Nous nous attendons à un ralentissement de l'offre pendant l'été et tous les regards seront rivés sur les résultats du deuxième trimestre et les prévisions annoncées par les entreprises. Compte tenu de la faiblesse des attentes (-37  % sur les BPA du Stoxx 600) et d’un certain rebond des PMI, nous pourrions avoir une surprise positive et une meilleure visibilité grâce aux prévisions. La sélectivité est toujours de rigueur, avec l’apparition de situations particulières comme Wirecard & Mohawk.

Le crédit HY en euro devrait être soutenu par un portage qui reste attractif sur les titres BB dans un environnement de rendements peu élevés. L’offre n'est pas un problème, car les entreprises ont davantage recours aux prêts bancaires qu’aux marchés de capitaux, il existe des signes timides de reprise économique et le taux de défaillance semble enfin être intégré aux cours (avec un taux attendu de 6,5 % et un spread implicite de 8,5 %). Nous protégeons nos arrières tandis que le marché au comptant par rapport aux produits dérivés est vraiment attrayant.

Nous pensons enfin que les obligations convertibles en euro devraient bénéficier de la dynamique positive et de l’action coordonnée résultant du Fonds européen de relance de nouvelle génération, des surprises positives et de la visibilité accrue apportées par les résultats trimestriels, d’un brouhaha politique plus réduit qu'aux États-Unis et d'une certaine reprise économique en Chine.


Marchés émergents : Rebond prolongé sur fond de reprise de l'activité mondiale

Dette en devise forte

La dette émergente en devise forte (EMD HC) a poursuivi son redressement en juin (3,5 %), en raison de l’optimisme lié à la généralisation de la reprise de l'activité dans le monde avec l’assouplissement des mesures de confinement en Asie et en Europe et du rebond de 16,5 % des prix du pétrole suite à l’accélération de la baisse de la production américaine. Les risques liés à l'incapacité de certains États américains et pays d'Amérique latine à aplatir les courbes d'infection ont refait surface en fin de mois, mais les marchés ont largement ignoré ces préoccupations dans la perspective de nouvelles mesures de relance budgétaire et monétaire. Certains crédits de pays émergents en difficulté ont rebondi dans l’espoir d'un allègement de la dette par la Chine (Angola, Zambie) ou d’une fin prochaine des négociations de restructuration de la dette (Argentine, Équateur). L'activité primaire est restée forte, avec plus de 25 milliards de dollars d'offre supplémentaire sur les marchés émergents. Les spreads des marchés émergents se sont resserrés de 59 % par rapport au mois de mars, pour atteindre 474 points de base (pb) en juin, tandis que les rendements du Trésor américain sur 10 ans sont restés stables à 0,65 %, ce qui s'est traduit par un spread positif (+ 3,5 %) et des rendements nuls. La dette IG (1,8  %) a sous-performé la dette HY (5,7 %), le Suriname (+52,5 %) et l'Angola (35,6 %) affichant les rendements les plus élevés tandis que la Biélorussie (-2,6 %) et l'Arménie (2,1 %) affichent les rendements les plus bas.

Les valorisations de la dette émergente en devise forte apparaissent attrayantes par rapport aux fondamentaux de la classe d'actifs, en base absolue et en base relative. La dette émergente en devise forte offre désormais un rendement de 5,5 % et un spread de 474 pb, ce qui représente 100 pb de plus que la moyenne sur 5 ans. À 614 pb, le spread HY/IG est supérieur de 250 pb à sa moyenne sur 5 ans. L'intérêt à moyen terme de la dette émergente en devise forte est conforté par les valorisations, bien que les aspects fondamentaux et techniques et les flux soient toujours compliqués par l'incertitude qui entoure l'assouplissement des mesures de confinement et la résolution des problèmes de liquidité et de solvabilité des marchés émergents. Sur un horizon d'un an, nous prévoyons un rendement d'environ 13 % pour la classe d'actifs, en faisant l’hypothèse d’un rendement de 1,15 % des bons du Trésor américain à 10 ans et d’un spread de 350 pb sur les marchés émergents.

Nous conservons une surpondération de la dette HY par rapport à la dette IG, par le biais principalement de crédits en difficulté qui offrent un potentiel de hausse par rapport aux niveaux actuels. Nous avons participé à plusieurs émissions à des prix attractifs dans l’univers IG et HY : Brésil, Croatie, Honduras, Uruguay. Nous avons passé notre tour sur une opération en Biélorussie, jugeant les valorisations actuelles plus élevées que celles de pays comparables, comme par exemple l'Ukraine.

Dans Le segment des exportateurs d'énergie, nous avons une position nette vendeuse par rapport à l'indice, bien que les exportateurs d'énergie représentent encore près d’un tiers du DTS global de la stratégie.

Dans l'espace IG, nous détenons des positions sur le Chili, la Colombie, l’Indonésie, mais restons sous-exposés aux dettes les plus chères de l'univers IG comme la Chine, la Malaisie, les Philippines ou le Pérou.

En ce qui concerne le Brésil, le Mexique et la Turquie, nous surpondérons les obligations d'entreprises qui offrent des prix intéressants et nous sous-pondérons les obligations souveraines

Nous avons des positions de couverture en CDS à signature unique sur Pemex au Mexique et une couverture acheteuse CDX.EM pour nous protéger d’une augmentation imprévue de la volatilité de la classe d'actifs.

Dette en devise locale

La dette émergente en devise locale (EMD LC) a connu un mois calme, avec un rendement de 0,5 % sur le portage et une contribution nulle du change et de la duration. Bien que les devises aient continué à bien se comporter en début de période, avec une faiblesse généralisée du dollar, nous avons ensuite assisté à une certaine consolidation des différentes classes d'actifs. Les flux en direction des fonds en devise locale n'ont pas augmenté malgré les bonnes performances du deuxième trimestre, et la reprise s'est essoufflée. Si le coronavirus continue de sévir aux États-Unis, en Amérique latine et en Inde, le nombre de décès quotidiens s'est globalement stabilisé à moins de 5 K/jour, ce qui est inférieur au pic d'avril (7,5 K/jour). Les données font ressortir une reprise rapide mais partielle.

Pénalisées par un bilan sanitaire plus grave, les monnaies d’Amérique latine ont sous-performé (MXN -4 %, PEN -3 %, CLP -2 %), tandis que l'Asie, première à assouplir les mesures de confinement, a surperformé ( THB +3 %, IDR +2,3 %). La zone EMEA liée à l’euro a surperformé (CZK +2 %, PLN +1 %), grâce au plan de relance envisagé par l’union européenne.

Dans l’ensemble, les rendements sont restés stables. L’Afrique du Sud, la Russie et le Chili ont sous-performé, avec une augmentation de 20 à 30 pb des spreads, en réaction à l'annonce ou à l'attente de nouvelles émissions, tandis que la Turquie a surperformé (-81 pb) en raison de nouvelles règles qui incitent les banques locales à acheter davantage d'obligations internationales turques

La dette émergente en devise locale offre désormais un rendement de 4,5 %. Bien que les devises émergentes aient récupéré près d’un tiers de leurs pertes du premier trimestre, les flux n’ont pas encore repris la direction de la classe d'actifs, ce qui laisse augurer de meilleures performances pour la suite, même s’il faudra peut-être attendre un an ou plus. Faisant preuve d’un optimisme prudent, nous pensons que les niveaux d'activité d'avant le virus pourront être retrouvés pendant l’année, comme c'est déjà le cas en Chine, même s’il y aura d’importantes disparités entre pays et régions. L'inflation sous-jacente pourrait atteindre un niveau plancher pendant le mois à venir, mais adoptant une vision à plus long terme, nous sommes déjà en train de réduire progressivement la duration de notre portefeuille, en commençant par les pays qui affichent les rendements les plus faibles et sont les plus avancés dans le cycle de reprise.

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