
le réchauffement (relatif) du discours commercial et le report de certains des droits de douane ont favorisé la dissipation des craintes de récession et un relèvement des perspectives de croissance. Sur les marchés obligataires, les spreads de crédit ont presque renoué avec leurs niveaux d’avant avril. La succession de bonnes nouvelles semble inciter les acteurs du marché à rapidement chercher à aller de l’avant. Pour de nombreux investisseurs, le simple fait d’avoir évité le pire justifie à lui seul un retour à l’optimisme. Nous notons également l’absence relative de réaction du marché face à d’autres événements importants pour le marché obligataire. La dégradation de la note des États-Unis par Moody’s n’était pas prévue et, dans une large mesure, a été acceptée sans créer de vagues. Le One Big Beautiful Bill Act (« le grand et beau projet de loi » de Donald Trump), qui n’offre aucune trajectoire crédible pour réduire le déficit budgétaire, a été adopté alors que le taux à 10 ans avait déjà atteint un sommet.
Au cours de la première quinzaine de juin, nous avons assisté à une escalade des hostilités au Moyen-Orient avec le lancement par Israël de frappes aériennes contre les installations nucléaires et de hauts responsables militaires iraniens. Quelques jours plus tard, les marchés n’y prêtent déjà plus attention. Le conflit au Moyen-Orient a toujours eu une influence démesurée sur les marchés par rapport au poids des régions dans l’économie mondiale en raison des répercussions sur les prix du pétrole. Toutefois, des changements structurels se produisent sur les marchés mondiaux de l’énergie à l’heure actuelle. Les États-Unis sont désormais le plus grand producteur et l’Europe a, dans une certaine mesure, réduit sa dépendance aux combustibles fossiles.
Les taux américains disposent encore d’une marge de baisse
Notre modèle de juste valeur suggère que les taux américains à 10 ans offrent actuellement des valorisations attrayantes et se négocient sensiblement au-dessus de notre estimation de la juste valeur. Dans le même temps, la probabilité de récession a fortement augmenté. Les données subjectives restent faibles, et les données objectives montrent également une certaine détérioration. Les risques liés au marché du travail augmentent, avec des créations d’emplois limitées et un affaiblissement des indicateurs de confiance. Les chiffres de l’inflation sont, jusqu’à présent, étonnamment modérés – même si les droits de douane pourraient faire grimper l’indice des prix à la consommation (IPC). Bien qu’il s’agisse d’un élément négatif dans notre analyse, nous pensons également qu’il est en grande partie pris en compte. Le marché anticipe actuellement 75 points de base de baisses de taux d’ici avril prochain, mais la Fed pourrait très bien être contrainte d’aller plus loin en cas d’affaiblissement trop prononcé du marché du travail. Le positionnement des investisseurs est également plus favorable, dans la mesure où les CTA et les gestionnaires d’actifs sont moins longs ou neutres, ce qui laisse de la marge aux entrées de capitaux. Nous préférons être positionnés sur les segments à 2 et 10 ans. Les 2 ans, 5 ans, 10 ans se négocient à nouveau à des niveaux presque aussi bas qu’au cours de l’été 2024, lorsque la courbe globale était encore beaucoup plus plate. Cela indique que le 5 ans est tout aussi cher, car il est probable que de nombreux investisseurs préfèrent concentrer leur exposition sur la partie intermédiaire de la courbe plutôt que sur des durées plus longues. Nous préférons également éviter les échéances à très long terme en raison des risques liés à l’offre et à l’exposition à la pentification. Néanmoins, les investisseurs basés en Europe doivent noter que sur une base hedgée, les taux en USD ne sont pas attrayants par rapport aux obligations libellées en EUR. Étant donné nos perspectives prudentes sur le dollar, il est donc important de noter que la directionnalité à la baisse des taux n’est pas la seule considération pour la plupart des investisseurs européens.
Pour les investisseurs en euros, les taux japonais offrent une opportunité de portage à long terme
Dans l’ensemble, nous sommes neutres sur les taux japonais, mais nous sommes longs sur les très longues échéances (30 ans) et courts sur les obligations à plus courtes échéances. La partie courte nous paraît vulnérable, car si jamais les banques centrales mondiales venaient à faire une pause dans leurs programmes d’assouplissement ou reportaient leurs baisses de taux, la Banque du Japon pourrait adopter une position moins accommodante puisqu’elle n’aurait plus autant intérêt à protéger la valeur du yen. En revanche, la partie longue de la courbe offre une valeur très intéressante, en particulier sur une base hedgée contre le risque de change. Actuellement, les emprunts d’État japonais (JGB) couverts sur 30 ans offrent un rendement en EUR de 4,63 %, contre « seulement » 2,97 % (au 17 juin) pour l’emprunt d’État allemand à 30 ans. La différence est encore plus frappante pour les investisseurs en USD. Cela pourrait également attirer des flux d’investisseurs étrangers, en plus de facteurs domestiques qui pourraient également être favorables – augmentation des investissements des sociétés d’assurance-vie japonaises et changements possibles dans les modèles d’émission par le ministère des Finances.
Nous partageons les attentes des marchés sur la politique monétaire européenne, mais nous maintenons une position surpondérée sur l’équilibre des risques
Après la réunion de juin de la Banque centrale européenne (BCE) et la baisse des taux, nous continuons de maintenir une surpondération de la duration de l’EUR. À présent, notre scénario de base n’anticipe plus davantage de baisses de taux que le marché et nous ne pensons donc pas que la politique monétaire sera aussi favorable à l’avenir. Nous prévoyons que la banque centrale va interrompre son cycle de baisse des taux en juillet et le reprendre (pour procéder à sa dernière baisse cette année) en septembre Le cycle économique reste néanmoins favorable, tout comme les facteurs techniques, la plupart des pays étant bien avancés en termes d’émission cette année (au-dessus de 60 %). L’inflation devrait atteindre des niveaux bien inférieurs à l’objectif au premier semestre 2026, même si cette tendance est sans doute déjà largement anticipée. Par pays, nous avons pris quelques bénéfices (partiels) sur notre position longue sur la Bulgarie après l’annonce de son adhésion (quasi-certaine) à la zone euro et les bonnes performances relatives observées. Nous maintenons notre prudence à l’égard de la France et notre optimisme concernant l’Espagne.
Les marchés du crédit sont dominés par des facteurs techniques
Nous relevons nos perspectives sur le crédit Investment Grade à la fois en USD et en EUR à neutre, de manière à refléter la confiance accrue dans cette classe d’actifs, malgré le récent resserrement des spreads. Les fondamentaux des entreprises en Europe et aux États-Unis sont sains parmi les émetteurs Investment Grade, grâce à la résilience dont font preuve les entreprises et à la solidité de leurs bilans. L’évolution des notes reste positive, marquée par plus de relèvements que de dégradations. La demande de crédit IG en EUR reste particulièrement forte, en particulier dans la mesure où les baisses de taux de la BCE et la pentification de la courbe des rendements poussent certains investisseurs à quitter les marchés monétaires et à délaisser les instruments à taux variable au profit des obligations. Nous pensons que les entrées de capitaux vont se poursuivre, les investisseurs recherchant du rendement dans un environnement de taux faibles. Les obligations d’entreprise de qualité sont de plus en plus considérées comme des investissements sûrs, parfois même plus que les obligations souveraines. Par exemple, les prêts à des entreprises comme Microsoft (AAA/Aaa) ou Sanofi (AA/Aa3) peuvent être perçus comme moins risqués que les prêts à certains États. Même s’il est encore trop tôt pour passer à une surpondération, un élargissement important des spreads pourrait nous en donner la possibilité si les fondamentaux ne se détériorent pas.
Nous relevons également les AT1 vers une position neutre. Les banques européennes affichent une santé financière éclatante, avec des fonds propres confortables et des bénéfices solides. Les cours des actions des banques atteignent des sommets historiques, ce qui renforce la confiance globale dans le secteur. Avec des rendements comparables au haut rendement pour un secteur en bien meilleure santé que la moyenne du haut rendement, nous considérons le profil de risque-rendement des AT1 comme relativement attrayant. L’activité de fusions et acquisitions devrait également offrir un certain potentiel de performance aux stratégies Event Driven.
Dans le haut rendement, contrairement au segment Investment Grade, les fondamentaux se détériorent, en particulier dans le secteur automobile qui subit la pression de changements structurels. D’autres secteurs comme l’énergie et la vente au détail montrent également des signes de faiblesse. Les spreads se sont considérablement resserrés et sont maintenant proches de pics historiques, et dans l’ensemble, nous ne pensons pas que ces valorisations offrent actuellement une rémunération du risque appropriée. Par conséquent, nous restons négatifs envers cette classe d’actifs, mais nous relevons encore légèrement notre opinion sur la base des facteurs techniques du marché.
Le contexte macroéconomique est favorable à la dette émergente en monnaie locale
Nous relevons notre opinion sur les taux locaux émergents et les devises émergentes. Le ralentissement de la croissance, le recul de l’inflation dans les économies émergentes et la faiblesse du dollar offrent aux banques centrales des pays émergents une certaine marge pour réduire leurs taux sans déclencher de dépréciation de leurs monnaies. En effet, jusqu'à présent, les devises émergentes ont fait preuve de résilience après le « jour de la libération ». Les niveaux de rendements absolus sur les marchés locaux restent attrayants, et en particulier en Amérique latine. Nous observons des entrées de capitaux dans les fonds en monnaie locale, au détriment toutefois des fonds en monnaie forte. Au sein de la dette en monnaie forte, les spreads se situent au milieu d’une fourchette qui correspond selon nous à leur juste valeur actuelle, c’est-à-dire entre 300 et 400 pb. Bien que les spreads restent étroits et que les perspectives de croissance soient moins favorables, un dollar plus faible offre une certaine marge de manœuvre.
Dollar américain : décorrélation entre les marchés de taux et le marché des devises
Le marché est passé à une position « long partout par rapport au dollar », et nous pensons que cela restera le cas dans un avenir proche. Cette tendance est soutenue par une BCE qui pourrait être moins agressive que prévu dans ses baisses de taux avant la réunion de juin, même si nous avions déjà observé un « découplage » des écarts de taux et de la performance relative EUR/USD.
Sur les devises traditionnellement peu propices à la prise de risque, nous maintenons une position short sur le franc suisse (CHF) par rapport au yen (JPY). La différence d’inflation s’est creusée avec la Suisse pour basculer en territoire déflationniste. Ces devises devraient réagir de manière similaire à une correction généralisée des actifs risqués.