De l'abondance à la pénurie, comment faire face à la crise de l'eau qui se profile à l'horizon

Alors que l'eau douce se fait de plus en plus rare et que la pression pour agir s’intensifie, l'innovation et des pratiques responsables sont cruciales pour relever ce défi croissant. Elles peuvent également ouvrir la voie à des opportunités dans un monde confronté au stress hydrique. 

L'eau, ressource essentielle à la vie autrefois perçue comme inépuisable, est désormais confrontée à une crise sans précédent. Bien qu’elle recouvre une large majorité de la surface terrestre, seulement 3% de cette ressource est potable, un défi majeur à l’heure où la planète fait face à des défis croissants tels que les sécheresses ou les incendies. Des projections alarmantes font état d'un déficit considérable en eau douce d'ici 2050, date à laquelle seuls 60 % des besoins de l'humanité pourraient être satisfaits, soulignant ainsi l'urgence d'une gestion durable de cette ressource vitale. Les Nations Unies insistent sur la nécessité de s'attaquer à ce problème, soulignant les effets non seulement sur la santé humaine et les moyens de subsistance, mais également sur la stabilité économique mondiale.

Croissance démographique, changement climatique et pratiques non durables, telles que la production de certaines viandes ou le gaspillage (jusqu'à 60 % de l'eau douce est gaspillée dans l’agriculture en raison de l'évaporation et d'une gestion inefficace), sont responsables de l'accélération de l'épuisement de l'eau douce. Alors qu’il est impératif d’agir rapidement pour faire face aux conséquences de cette fracture hydrique croissante, des opportunités émergent au milieu de la crise avec le développement de solutions durables dans l'agriculture, les pratiques industrielles et le traitement des eaux usées.

 

 

L’efficacité au cœur de la lutte contre la pénurie d'eau

Face à une pénurie croissante de l'eau douce, des changements radicaux dans l'utilisation et la gestion de cette ressource sont nécessaires dans tous les secteurs :

  • L'agriculture : Responsable de 72 % de la consommation mondiale d'eau[1], le secteur agricole peut améliorer son efficacité grâce à l’adoption de techniques d’irrigation intelligente permettant d’économiser 35 à 70 % d'eau[2], ou en ayant recours à des pratiques culturales moins gourmandes. Selon certaines estimations, le marché de l'irrigation intelligente pourrait  croître de 12 % par an jusqu'en 2032[3].
  • Industrie :  Représentant 20 % de la demande en eau[4], l'industrie peut réduire considérablement sa consommation grâce à la réutilisation et au recyclage de l'eau. Par exemple, la production de métaux recyclés utilisent 40 % d'eau en moins et réduit de 76 % la pollution engendrée par rapport aux matériaux vierges[5]. Les systèmes d'eau en circuit fermé, dont la demande devrait croître de 5 % par an jusqu'en 2030, constituent une autre possibilité.
  • Villes : Il est crucial de réduire les pertes d'eau dans les zones urbaines. La simple réparation des fuites pourrait permettre d'économiser 1 000 milliards de litres par an rien qu'en Europe[6]. Le marché des compteurs d'eau intelligents pourrait croître de 11,6 % par an jusqu'en 2027[7]. Les villes intelligentes, équipées de systèmes de surveillance des infrastructures, de conservation de l'eau urbaine et de détection intelligente des fuites, offrent des solutions intégrées répondant à cette problématique. Ce marché, estimé à 540 milliards de dollars, devrait croître de 15 % par an jusqu'en 2030[8].

Au-delà des avancées technologiques, l'amélioration de la gestion de l'eau passe aussi dans les entreprises par une gouvernance, une transparence et une évaluation des risques fortes. À mesure que les réglementations évoluent pour lutter contre la pénurie d’eau et la pollution, les entreprises doivent s'adapter pour relever les défis et saisir les opportunités.

 

Améliorer la gestion des ressources en eau : une solution à la crise

Une gestion efficace des ressources en eau peut être la clé de la lutte contre la crise hydrique. Elle repose sur plusieurs stratégies essentielles :

  • Traitement des eaux usées: Au niveau mondial, 70 % des eaux usées industrielles ne sont pas traitées[9], ce qui représente un risque pour l'environnement. Même si les technologies de pointe peuvent nettoyer efficacement les eaux usées, les réglementations doivent être adaptées pour encourager la réutilisation d’eau (actuellement seulement 11 %).
  • Dessalement: Le dessalement offre une source alternative en transformant l'eau de mer en eau douce, en particulier dans les régions où cette ressource est rare. Toutefois, des progrès sont nécessaires pour résoudre les problèmes environnementaux que cette technologie peut poser, tels que la forte consommation d'énergie et les rejets de saumure.
  • Conservation de la biodiversité: La protection des écosystèmes est cruciale pour préserver la disponibilité de l'eau douce. La déforestation, l'urbanisation et l'augmentation de la salinité menacent les ressources en eau. Les projets de restauration axés sur les rivières et les zones humides peuvent contribuer à améliorer cette disponibilité.

La collaboration entre les différentes parties prenantes, notamment les gouvernements, les entreprises, les investisseurs et les particuliers, est essentielle dans la mise en œuvre de ces stratégies et pour garantir une gestion durable de l'eau à l'avenir.

 

Débloquer l'économie bleue 

Bien qu'il soit difficile de remplacer complètement l'eau, des recherches récentes mettent en lumière l'immense potentiel d'amélioration en matière d’efficacité et de circularité. Le rapport du Projet de divulgation des émissions carbone (Carbon Disclosure Project, ou CDP) souligne que les modèles économiques traditionnels ont négligé les risques opérationnels inhérents et sous-estimé le coût réel de l'eau. Ceci a conduit à un sous-investissement dans l’amélioration de l'efficacité de la gestion de l’eau et dans le développement de solutions alternatives. 

Cependant, la transition vers des pratiques durables dans le domaine de l'eau offre de réelles opportunités d’investissement. Le rapport du CDP estime que les gains économiques potentiels pour le secteur privé en investissant dans la sécurité de l’eau pourraient dépasser 2 300 milliards de dollars[10].

 

Dans un contexte aujourd’hui difficile, le message est clair : il est impératif de travailler ensemble, d’innover et d’agir avec détermination. Seul un effort concerté pourra aider l’Humanité à surmonter la crise à venir et à protéger cette ressource précieuse dont dépend toute vie. Pour y parvenir, il faudra un engagement soutenu et des investissements sur le long terme, car ce défi pourrait s'étendre sur plusieurs décennies.

 

[1] Rapport mondial des Nations unies sur la mise en valeur des ressources en eau 2023
[2]Association internationale de l'eau (2020)
[3] Aperçu du marché mondial, 2023
[4] Rapport mondial des Nations unies sur la mise en valeur des ressources en eau 2023
[5] Confédération européenne des industries du recyclage (2023) et EPA (2010)
[6] Selon Eurostat : la consommation quotidienne médiane d'eau provenant de l'approvisionnement public est de 40 à 50 mètres cubes par habitant en Europe - Water statistics - Statistics Explained (europa.eu)
[7] Marchés et marchés
[8] Marchés et marchés
[9] Nations unies, Progrès en matière de traitement des eaux usées, 2021[10] Rapport mondial sur l'eau 2022. Carbon Disclosure Project (2023). Disponible à l'adresse suivante https://www.cdp.net/en/research/global-reports/global-water-report-2022