Elections américaines : demandez le programme !

Vous pensez que les inégalités sociales, le système de santé, l’épidémie de Covid ou le réchauffement climatique seront au cœur des préoccupations des Américains lorsqu’ils éliront leur prochain président? Détrompez-vous ! Comme lors des précédentes élections présidentielles, ce sont les enjeux économiques qui seront déterminants pour 8 électeurs sur 10, et plus précisément la capacité supposée des deux candidats à répondre à la « peur du déclassement » du pays.

Rien d’étonnant dès lors que le programme du Démocrate Joe Biden et celui du Républicain Donald Trump aient en commun vouloir redynamiser l’activité économique, même si cela doit alourdir le déficit public. En revanche, ils s’opposent sur les moyens d’y parvenir: le premier entend augmenter les dépenses publiques alors que le second promet de baisser les impôts.

Sur la forme, Donald Trump se présente par ailleurs en alternative à des élites coupées du peuple et incapables de le protéger face à la mondialisation là à où Joe Biden s’érige en rempart contre les inégalités et le « laisser-faire » inhérent au libéralisme.

 

Ce qu’il faut retenir du programme de Joe Biden : un menu typiquement social-démocrate 

Dans la tradition sociale-démocrate Joe Biden entend, afin d’engager des dépenses d’infrastructures, d’éducation, de santé et de mettre en place un système de chômage partiel inspiré du modèle allemand, taxer davantage les ménages et les sociétés.

Dans sa ligne de mire : les 5 % des ménages les plus aisés et plus particulièrement encore le 1 % au sommet de l'échelle sociale. Au bas de cette échelle, la candidat démocrate promet en revanche de relever le salaire minimum horaire à 15 dollars en vue de soutenir le pouvoir d’achat des plus faibles revenus. D’autres propositions pourraient suivre en faveur de la classe moyenne.

Côté dépenses d’infrastructure, le candidat démocrate souhaite rénover des millions de bâtiments pour un budget de 2 000 milliards de dollars sur 4 ans et atteindre la neutralité carbone dans la production d’électricité d’ici 2035.

Il propose aussi d’investir 100 milliards de dollars pour moderniser les écoles, 50 milliards pour réparer les routes et les ponts... Ces dépenses soutiendraient fortement la croissance puisque, selon un rapport de 2015, chaque dollar dépensé en infrastructure en rapporte 2,2 à l’économie par des effets retours[1].

Joe Biden propose enfin de soutenir le secteur manufacturier en achetant pour 400 milliards de dollars de produits fabriqués aux États-Unis et en investissant 300 milliards de dollars dans la recherche et le développement pour les voitures électriques et l'intelligence artificielle… . Un « Buy American » en réponse à « l’America First » de Donald Trump en quelque sorte.

La facture de ce programme pour les Américains? Au total, les dépenses augmenteraient de près de 5 000 milliards de dollars et ne seraient compensées que par 3 500 milliards de dollars de recettes supplémentaires[2].

Une Administration Biden-Harris s'orienterait aussi probablement vers une plus grande réglementation du secteur technologique et une amélioration des relations commerciales avec l’Europe notamment.

 

Ce qu’il faut retenir du programme de Donald Trump : la prolongation de 2016

Plus vague, le programme économique de Donald Trump reprend les mêmes thèmes qu’en 2016 (le « Make America great again » de 2016 est tout simplement devenu « Keep America great ») et laisse penser qu’aux baisses d’impôts s’ajouteront encore une bonne part de mercantilisme commercial et de libéralisme réglementaire.

Une certitude: le président sortant s’est engagé à pérenniser les baisses d’impôts de 2017 et à annuler purement et simplement les cotisations employés entre août et décembre 2020 qui avaient été suspendues par décret présidentiel.

S’il reste aussi favorable à une hausse des dépenses d’infrastructures, il devra, s’il est réélu, une fois de plus composer avec une majorité de Républicains qui y sont opposés.

Donald Trump semble avoir en revanche mis entre parenthèse l’idée d’abroger la réforme de la santé d’Obama (faute d’y être parvenu lors de son mandat et en raison de la crise sanitaire). 

Climato-sceptique convaincu, il poursuivra sans aucune doute sa politique environnementale. 

Enfin en matière commerciale, il devrait poursuivre la « guerre » contre la Chine (mais sans doute aussi l’Europe), afin de répondre aux inquiétudes d’une dépendance croissante des Etats-Unis dans des domaines stratégiques ou touchant à la sécurité nationale.

Libéral en matière réglementaire et protectionniste en matière commerciale, le programme de Donald Trump est le même que celui qui lui avait permis de l’emporter en 2016, lorsqu’il avait joué sur la peur du déclassement et la colère contre la mondialisation, le multiculturalisme et l’immigration. Or, avec un taux d’emploi plus faible qu’au creux de la récession de 2009, la crise sanitaire du début d’année n’a pu que raviver ces craintes de déclassement.

 


[1]CBO (2015), “Estimated Impact of the American Recovery and Reinvestment Act on Employment and Economic Output in 2014”.
[2]Selon le CRFB, le plan fiscal du président Biden permettrait de lever entre 3,35 billions et 3,67 billions de dollars sur une décennie. In « Understanding Joe Biden's 2020 Tax Plan » (http://www.crfb.org/papers/understanding-joe-bidens-2020-tax-plan).