Soudainement, les États-Unis se retrouvent dans une situation idéale : la croissance accélère, l'inflation recule, la Fed assouplit sa politique et les deux candidats à l'élection présidentielle évoquent des dépenses massives. En revanche, le reste du monde demeure préoccupé par la situation géopolitique et la croissance. Alors qu'un soutien à la croissance serait le bienvenu pour la zone euro, il est un besoin urgent en Chine, où les autorités ont enfin présenté un ensemble de mesures. Cet effort, qui permet d’espérer un mix croissance/inflation plus favorable, a propulsé les indices boursiers vers de nouveaux sommets, le marché des actions chinoises progressant de plus de 20 % en septembre. À ce stade, nous avons choisi de tenir compte de l'amélioration des fondamentaux et de surpondérer les actions, tout en maintenant une position longue de duration sur les obligations européennes.
Amélioration des fondamentaux
Après une stabilisation le mois dernier, divers indicateurs ont commencé à s'améliorer en septembre, notamment aux États-Unis. Les données révisées y ont confirmé une croissance du PIB supérieure à 3,0 % au deuxième trimestre, tandis que les indicateurs avancés suggèrent un chiffre de même ampleur pour le troisième trimestre. En d'autres termes, les États-Unis ont enregistré une croissance supérieure d'environ 100 pb à son potentiel dans les six derniers mois, de sorte que la prochaine saison des résultats pourrait illustrer à nouveau l’adage « faibles prévisions, résultats solides ».
En Chine, les autorités ont annoncé un vaste plan de relance monétaire et budgétaire visant à contrer des pressions déflationnistes croissantes. La réunion du Bureau politique du Parti communiste chinois de septembre a souligné la nécessité de soutenir l'économie, ce qui a renforcé le sentiment d’urgence.
L’impact des mesures budgétaires déjà annoncées ne devrait guère dépasser 0,2 à 0,3 % du PIB, mais cet effort aidera la Chine à se rapprocher de son objectif pour 2024.
Il s’agit donc d’un premier pas dans la bonne direction, même si les montants débloqués restent insuffisants pour permettre à l'économie chinoise de sortir durablement de la déflation. Des fuites dans la presse suggèrent que d'autres mesures de soutien budgétaire seront annoncées dans les semaines à venir. Les investisseurs y seront particulièrement sensibles, alors que les difficultés économiques et les pressions déflationnistes persistent à ce stade.
En zone euro, un certain soutien à la croissance serait également le bienvenu. Une initiative budgétaire majeure semble peu probable au vu de l'accueil mitigé réservé au rapport Draghi sur l'avenir de la compétitivité européenne, qui appelle à une émission de dette commune dans la région. En outre, l'augmentation constante des déficits budgétaires et des ratios dette/PIB, amplement relayée par la presse spécialisée, a fait de la dette publique une question politique comme en témoigne l'ouverture de procédures pour déficit excessif. En 2025, la question du rééquilibrage budgétaire dans les pays développés deviendra probablement incontournable, ce qui pèsera sur la croissance.
Ce contexte ouvre la voie à un nouvel assouplissement monétaire de la BCE, sachant que l'inflation globale des prix à la consommation a atteint 1,8 % en septembre, soit son plus bas niveau depuis avril 2021. Comme la lutte contre l'inflation sera quelque peu éclipsée par le combat contre la stagnation économique, les marchés tablent sur un taux d'intérêt à court terme inférieur au taux d'inflation au printemps prochain. Restrictive depuis un certain temps, la politique monétaire en zone euro pourrait alors redevenir expansionniste.
Jusqu’à présent, la performance des actions a essentiellement reposé sur les bénéfices
L'amélioration des fondamentaux a donc, une fois de plus, changé la donne pour les investisseurs en actions et en obligations.
Les investisseurs obligataires ont réévalué l'ampleur de l'assouplissement de la Fed (revu à la baisse depuis quelques semaines) et de celui de la BCE (revu à la hausse). En conséquence, le billet vert s'est quelque peu renforcé.
Les investisseurs en actions se sont eux aussi empressés d'intégrer ces bonnes nouvelles dans les valorisations et les prévisions. Après 5 semaines de hausse consécutives – sa plus longue série de gains cette année –, l'indice S&P500 vient de dépasser le seuil de 5 800 points. Cette envolée a indiscutablement été soutenue par l'augmentation des bénéfices : la croissance s’est avérée plus forte que prévu aux États-Unis et devrait bénéficier d'un nouveau soutien budgétaire et monétaire en Chine, mais aussi d'une politique monétaire moins restrictive en Europe.
Course à la Maison Blanche : une campagne hors norme
À ce stade, les investisseurs semblent se concentrer sur l'amélioration des fondamentaux et ignorer quelque peu l'élection américaine. Selon les probabilités de marché, les deux candidats sont désormais au coude à coude.
En Pennsylvanie, un « État pivot » crucial, rien n’est joué.
Mais dans moins de trois semaines, l'une des campagnes présidentielles les plus dramatiques et les plus chaotiques de l'histoire politique moderne des États-Unis – un remplacement de dernière minute dans la campagne démocrate, deux tentatives d'assassinat dirigées contre le candidat républicain, plusieurs revirements dans les sondages électoraux – prendra fin. Les observations empiriques révèlent qu'après l'élection, l'incertitude tend à se dissiper, tandis que les promesses du futur nouveau président peuvent générer un rallye de fin d'année.
Nous surpondérons actuellement les actions
Compte tenu de l'amélioration des fondamentaux et de l'assouplissement des conditions financières, qui soutiennent l'activité et les marchés, nous sommes devenus plus confiants ces dernières semaines et surpondérons désormais les actions. Nous avons notamment renforcé notre allocation en écho à l’évolution des contextes économiques américain et chinois. Afin de tirer parti de la dynamique actuelle, nous sommes tactiquement positifs sur la Chine et sur l’ensemble des marchés émergents.
Au sein de la zone euro, nous nous concentrons sur les secteurs susceptibles de bénéficier des mesures annoncées en Chine et d’une baisse des taux de la BCE, à savoir le luxe et l'immobilier.
Nous apprécions également le secteur défensif de la santé, qui continue de bénéficier de l'innovation et de la croissance des bénéfices et reste décorrélé du cycle économique.
Notre positionnement obligataire bénéficie des baisses de taux
Au sein de l’allocation obligataire, nous privilégions les émetteurs européens « core » tels que l’Allemagne pour le portage : les emprunts d'État sont attrayants, car ils constituent un investissement susceptible de jouer un rôle de couverture dans un portefeuille multi-actifs. C'est pourquoi nous maintenons une position longue de duration via les obligations allemandes, investissons dans les Gilts britanniques à des fins de diversification et restons neutres sur la duration aux Etats-Unis.
Dans un contexte de spreads déjà très serrés, nous sommes également neutres à l'égard des obligations d'entreprise investment grade et prudents vis-à-vis du segment high yield mondial, tout en conservant une exposition minime aux obligations souveraines émergentes.
Surpondération des actions
Le cycle d'assouplissement mondial et l’action des banques centrales laissent espérer un mix croissance/inflation plus favorable et ont propulsé de nombreux indices boursiers vers les sommets.
Notre positionnement reflète notre confiance dans l'amélioration des fondamentaux : nous surpondérons les actions, tout en conservant une position longue de duration sur les obligations européennes.
Préférence pour les États-Unis et les marchés émergents
Aux États-Unis, la croissance cause de moins en moins d’inquiétude et la Fed va au-delà de ce qui est nécessaire. Nous surpondérons les actions américaines.
En Chine, la banque centrale et le gouvernement ont uni leurs forces pour restaurer la confiance, concoctant un train de mesures destinées à relancer l’activité. Nous surpondérons les actions des marchés émergents.
Au sein de la zone euro, la croissance économique reste faible et l'incertitude politique persiste. De nouvelles baisses des taux de la BCE sont dès lors souhaitables. Nous restons neutres vis-à-vis des marchés actions de la région.
Nous sommes tactiquement neutres sur le Japon. L’économie bénéficie de soutiens structurels, mais reste menacée par l’appréciation continue du yen et un climat politique incertain.
Préférence pour la santé. Nous restons tactiquement neutres à l’égard de la technologie
Nous sommes positifs vis-à-vis du secteur de la santé qui affiche des bénéfices en hausse et des performances moins dépendantes du contexte macroéconomique.
Nous sommes acheteurs du segment de l’immobilier européen, qui devrait bénéficier de la baisse des taux d'intérêt.
Nous sommes neutres à l’égard de la technologie et détenons de petites et moyennes capitalisations américaines.
Les obligations sûres jouent à nouveau un rôle de protection alors que l'inflation se normalise à des niveaux plus faibles
Les emprunts d'État offrent une couverture et un portage attrayants dans un portefeuille multi-actifs, notamment après la récente hausse des rendements. En outre, un nouveau resserrement des spreads de crédit semble peu probable.
Nous conservons une position longue de duration via l'Allemagne, en nous concentrant sur les émetteurs de qualité. Nous reprenons position sur les Gilts britanniques, qui offrent un point d'entrée attrayant alors que les rendements ont gagné 50 pb en un mois.
Nous sommes neutres sur la duration aux États-Unis.
Nous maintenons une exposition minime aux obligations souveraines émergentes, dans un contexte de spreads très étroits.
Nous sommes neutres sur les obligations investment grade et high yield, quelle que soit la région de l'émetteur.
Allocation en devises globalement neutre avant de nouvelles baisses de taux et les élections américaines
EUR : l'euro souffre de l'incertitude entourant l’activité de la région et pourrait être confronté à un assouplissement monétaire rapide.
USD : les marchés ont réajusté leurs prévisions de baisses des taux de la Fed, ce qui soutient le billet vert.
JPY : nous avons réduit notre position longue sur le yen.
AUD/CAD/NOK : nous avons pris des bénéfices sur le dollar australien après la hausse du mois d’août.