Obligations durables : un pas en arrière, deux pas en avant

Allegro… ma non troppo. Les tensions géopolitiques et le choc potentiel de l’approvisionnement en énergie ont soulevé des questions sur la trajectoire de la transition énergétique. La hausse des coûts et des taux d’intérêt pourrait retarder les investissements des entreprises dans les technologies propres. La transition énergétique reste néanmoins à l’ordre du jour. Le contexte actuel peut être l’occasion d’accélérer le mouvement vers la neutralité carbone, via l’investissement en obligations durables – mais en les sélectionnant avec soin !

En raison des conditions du marché, les volumes d’émissions d’obligations durables ont été inférieurs aux attentes

2022 a été une année difficile pour les obligations durables, avec 700 milliards de dollars d’émissions sur le marché primaire depuis le début de l’année[1], contre 950 milliards de dollars en 2021 - loin de nos prévisions de 1.000 milliards de dollars par an ! Un marché volatile, la fermeture du marché primaire et le resserrement des conditions financières ont contribué à cette baisse des émissions, dans des volumes mensuels de 58 milliards de dollars contre 86 milliards l’année dernière. Toutefois, si au niveau mondial les émissions ont été beaucoup plus faibles que l’an dernier, la part des émissions durables a augmenté par rapport aux obligations conventionnelles. Dans le segment des valeurs non financières de catégorie investment grade, les obligations avec un label de durabilité représentent 30 % du total des émissions annuelles, contre 19 % en 2021 et 8 % en 2020. Même les émetteurs à haut rendement ont augmenté leur part d’obligations durables à 9 % par rapport aux obligations traditionnelles, contre 4 % l’année dernière. Cela reflète une volonté plus forte de prendre en compte les questions de durabilité ; le carnet de commandes révèle que la demande est toujours intacte.

Les arguments en faveur de la transition énergétique n’ont jamais été aussi forts

Le conflit entre l’Ukraine et la Russie a rappelé l’urgence de trouver davantage de technologies d’énergie propre. L’UE a proposé un plan visant à atteindre l’indépendance vis-à-vis des combustibles fossiles russes bien avant 2030.  Le plan « RePower EU » vise à accroître la résilience du système énergétique et à diversifier les sources d’approvisionnement en gaz, en stimulant l’utilisation du biométhane et de l’hydrogène, en augmentant les énergies renouvelables et en promouvant l’efficacité énergétique. Le paquet « Fit for 55 » devrait déjà réduire la consommation de gaz de 30 % d’ici à 2030, et le plan « Next generation EU » devrait permettre de construire une Europe post-Covid plus résiliente en allouant 30 % de ses ressources au financement de projets verts entre 2021 et 2026.

Même la Banque centrale européenne veut décarboniser son bilan en favorisant les investissements verts dans son portefeuille d’obligations d’entreprises. Elle intègre désormais les considérations climatiques en orientant ses achats d’obligations d’entreprises vers les émetteurs ayant les scores climatiques les plus élevés. À partir d’octobre, le réinvestissement des obligations arrivées à échéance dans le cadre des programmes APP (Asset Purchase Programme) et PEPP (Pandemic Emergency Purchase Programme) devrait favoriser les émetteurs ayant une faible intensité carbone, une stratégie de décarbonisation ambitieuse et crédible et un bon niveau de transparence des informations en matière de durabilité. Il est également question d’imposer des limites à la maturité des obligations aux émetteurs dont le score climatique est faible.

Le « Inflation reduction Act » aux Etats-Unis, ou loi sur la réduction de l’inflation, est un autre exemple de l’investissement le plus important de l’histoire du pays pour lutter contre la crise climatique, accroître la sécurité énergétique et réduire le coût de la vie pour les ménages. Ce programme prévoit d’investir plus de 300 milliards de dollars et comprend des crédits d’impôt pour l’achat de véhicules électriques assemblés aux États-Unis, pour rendre les logements sociaux plus économes en énergie ou pour fabriquer des panneaux solaires ou des éoliennes.

Nous prévoyons un rebond des émissions d’obligations durables : Allegro

L’année 2023 devrait voir un rebond de l’offre d’obligations durables avec un montant attendu de 900 milliards de dollars pour les quatre types d’instruments : obligations vertes, obligations durables et liées au développement durable, et obligations sociales. 

Les émissions vertes devraient rester dominantes (60 %) en raison du nombre de projets verts à financer en Europe, ainsi qu’aux États-Unis dans le cadre de la loi sur la réduction de l’inflation.

Les obligations liées au développement durable (12 %) devraient se développer également, car elles permettent aux émetteurs d’afficher leurs engagements en matière de durabilité et leurs stratégies de décarbonisation, ce qui pourrait susciter un intérêt croissant de la part des émetteurs à haut rendement.

Les obligations sociales (14 %), quant à elles, devraient rester limitées au secteur des banques ou des agences, car il est plus difficile de financer des projets sociaux du côté des dépenses d’investissement. Mais en cas de récession économique sévère ou prolongée, elles pourraient connaître un regain d’intérêt.

Enfin, les obligations durables (14 %) devraient rester un instrument privilégié pour certaines institutions supranationales ou bancaires mais leur part de marché devrait diminuer à moyen terme compte tenu du manque de clarté sur leur impact réel et du nombre de projets verts ou sociaux à financer.

Ainsi, dans l’ensemble, la reprise des émissions devrait être tirée par les sociétés non financières, les gouvernements et les institutions supranationales, tandis que les volumes devraient rester stables du côté des banques. L’Union européenne devrait maintenir son niveau d’activité l’année prochaine.

… ma non troppo !

L’environnement économique devrait rester difficile, avec une dispersion croissante des rendements. Dans ce contexte, l’analyse du risque émetteur sera primordiale et nous privilégions donc une sélection rigoureuse. La crise actuelle et les questions de gouvernance ont renforcé les arguments en faveur de l’intégration des facteurs ESG dans l’analyse fondamentale. La réglementation et la divulgation de données relatives à la durabilité (notamment la directive sur les rapports de durabilité des entreprises) permettront d’améliorer la transparence, la cohérence et la comparabilité entre les entités. Dans un marché des obligations durables en pleine expansion, il est capital d’éviter l’écoblanchiment, ou greenwashing. C’est en analysant de manière approfondie les projets et l’utilisation des fonds que nous pourrons faire les bons choix – en effet il est important de nous assurer que les obligations contribuent effectivement à un avenir durable.

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[1] Source (pour toutes les données d’émission de cet article) : analyse de Candriam basée sur les données de Bloomberg, novembre 2022.

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