Le « Bal » subtil des Banques Centrales : jusqu’ici pas de faux pas

A l’heure du bilan de 2022, nous tirons les leçons principales de cette année de hausses de taux. Si la mission est réussie pour la FED, l’inflation en zone euro reste élevée et la marge de manœuvre de la BCE est serrée, face à des risques majeurs, notamment celui de déstabiliser le système financier.

 

Un bilan en trois points

En 2022, face au choc inflationniste, les banques centrales ont relevé leurs taux directeurs de manière inédite et quasi-unanime. En cette fin d’année, alors que la récession pointe le bout de son nez, l’heure est au bilan.

Trois leçons peuvent déjà être tirées de cet épisode.

  1. Les banques centrales sont de très mauvais prévisionnistes tant l’inflation a constamment été sous-estimée – rappelons-nous les prévisions de la BCE...
  2. Le mimétisme monétaire a une nouvelle fois pris le pas sur toute indépendance. Ainsi la FED fut la première et la plus agressive dans son resserrement monétaire suivi par tous ses homologues dans un processus totalement mimétique.
  3. Le combat contre l’inflation est devenu la priorité des banquiers centraux au risque de faire tomber l’économie mondiale dans un fort ralentissement.

 

Alors que prévoir pour 2023 ?

Même si l’inflation devrait refluer, elle demeurera bien au-delà de la cible des 2%, ce qui contraindra les banquiers centraux à maintenir des taux élevés plus longtemps. Des facteurs plus structurels tels que le changement démographique et la transition énergétique pourraient peser plus structurellement sur les prix. Dans ce contexte la grande question de 2023 sera de prévoir le taux terminal des différentes zones.

Aux Etats-Unis, la Reserve Fédérale a procédé à un relèvement du taux d’intérêt directeur le plus agressif depuis 40 ans. Mission réussie. Avec quatre hausses exceptionnelles de 75 points de base portant le taux fed fund à 4%, et une politique ambitieuse de réduction de son bilan, la FED a réussi à peser sur la dynamique inflationniste sans déstabiliser le système financier. En 2023 nous pensons que la banque centrale devrait procéder encore à deux hausses de taux et se stabiliser vers 5.25%. La gestion du taux terminal s’avèrera un exercice délicat tant le coussin d’épargne des ménages masque les effets retardés de la hausse des taux longs sur l’économie. 

Du côté de la zone euro, la BCE a mis fin à ses taux négatifs en les relevant à un rythme jamais enregistré, plus de 200 points de base en cinq mois. Mais l’inflation n’est toujours pas maitrisée, dépassant les 10% ¹. Si les prix de l’énergie devraient se stabiliser en 2023, le dernier accord obtenu par les salariés allemands d’une hausse de salaire de 8.5% sur 2 ans ² fait craindre le déclenchement de la boucle prix-salaire. De plus, les gouvernements européens ont renoncé à l’orthodoxie budgétaire et soutiennent la consommation au risque d’entretenir une inflation plus élevée que souhaité. La restriction monétaire amorcée par la Banque centrale européenne n’est donc pas près de s’arrêter. La BCE devrait poursuivre sa normalisation en 2023 avec plusieurs hausses pour amener le taux de dépôt à 3%. La tâche s’avèrera d’autant plus compliquée que les politiques budgétaires contrebalancent en partie les effets d’une politique monétaire restrictive. La BCE devra remonter ses taux alors que la FED aura déjà atteint son taux terminal - exercice d’équilibrisme pour éviter une trop forte appréciation de l’Euro.

 

Au-delà de ces prévisions de taux, deux risques majeurs seront à suivre en 2023.

Le risque de perdre son indépendance. Le drame anglais de Liz Truss a souligné les dangers d’une potentielle collusion entre politique budgétaire et monétaire. Et l’histoire pourrait se répéter.

Le risque de l’erreur de resserrement. Trop de hausses de taux pourraient déstabiliser le système financier via la courroie des fonds de pension ou du marché immobilier. Si une telle erreur a été évitée jusqu’ici, il faudra surveiller ce risque pour l’année à venir.

Le bal du resserrement monétaire devrait toucher à sa fin en 2023, en espérant qu’il ne finisse mieux qu’en une marche au supplice .

 

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¹ Source: Eurostat

² Source: IG Metall

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