Evoluer dans un contexte politique incertain

Le mois de juin a été marqué par une nette montée de l'incertitude politique, tant aux États-Unis que dans l'Union européenne (UE). Les élections législatives européennes ont vu l’affirmation des partis de droite, notamment en France, où l’ampleur de leur victoire a conduit le président Macron à convoquer des élections législatives anticipées. Aux États-Unis, la piètre performance du président Biden lors d’un récent débat a accru la probabilité d'une victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle, ce qui a entraîné une hausse de la volatilité sur les marchés.

Sur le front macroéconomique, l'inflation a continué de refluer légèrement et les indicateurs économiques ont perdu un peu de terrain. Les banques centrales ont maintenu une position très prudente, la BCE et la Fed gardant les yeux rivés sur les données et refusant de s'engager à l'avance.

Le mois a été mitigé pour les investisseurs obligataires, avec des divergences marquées des deux côtés de l'Atlantique. Le rendement du 10 ans américain a chuté de plus de 25 points de base (pb), mais a enregistré un rebond en toute fin de mois. Les taux allemands ont connu une évolution similaire et clôturé le mois en baisse. Cependant, le taux français à 10 ans a constamment progressé pour finalement gagner 30 pb à 3,3 %, dépassant son homologue portugais pour la première fois depuis 2006.

La dette d'entreprise investment grade (IG) et high yield (HY) s'est également bien comportée, tant aux États-Unis que dans l'UE. Les spreads des segments IG et HY en euro se sont légèrement élargis (respectivement de 11 et 36 pb).  Malgré la volatilité liée au récent ajustement, les marchés de crédit n'ont souffert ni d'une détérioration de la demande sur le marché primaire, ni d'une forte pression vendeuse sur le marché secondaire, ce qui reflète l’attrait du crédit auprès des investisseurs ainsi que la résilience du segment.

La dette émergente a enregistré des résultats mitigés : le marché en devise forte a généré des performances positives tandis que le marché en devise locale a souffert. Les élections ont une fois de plus dicté la tendance dans le monde émergent. Au Mexique, la coalition de gauche a obtenu la majorité absolue, ce qui ouvre la voie à la mise en œuvre de certaines mesures radicales évoquées pendant la campagne. Cette situation a entraîné un plongeon du peso mexicain et le dénouement des transactions de portage sur le marché des changes. En Afrique du Sud et en Inde, les coalitions au pouvoir n'ont pas réussi à obtenir la majorité à l’issue des élections générales. Si la situation en Inde n’a pas suscité d’inquiétude excessive, en Afrique du Sud, les marchés sont restés suspendus durant deux semaines aux négociations entre l'ANC et d’autres partis incluant l’Alliance démocratique.

 

Taux américains : les données militent toujours en faveur d’un assouplissement

La croissance de l’économie américaine continue de surprendre à la baisse, comme en témoignent les indicateurs du mois de juin. De fait, l'ISM manufacturier et l'ISM des services ont tous deux affiché des niveaux inférieurs à 50, une situation rare depuis la pandémie. En outre, le marché de l'emploi a connu un certain ralentissement, la création d’emplois non agricoles s’inscrivant en léger recul tandis que le taux de chômage augmentait à 4,1 %. Enfin, les chiffres de l'inflation (y compris l'indice PCE) ont légèrement reculé. La Fed a néanmoins conservé un ton relativement prudent et sa trajectoire en pointillés indique toujours un maximum de deux baisses de taux, dont la première interviendra probablement en septembre. Si Jerome Powell a reconnu que l'économie américaine n'était plus en surchauffe et suggéré que les arguments en faveur d'une baisse des taux étaient plus solides, il a refusé d’en préciser le calendrier.

La prochaine élection présidentielle américaine constitue une importante source d'inquiétude, tant en termes de taux que de volatilité. Il semble évident que le résultat du scrutin aura un impact significatif sur le scénario budgétaire et, plus largement, sur l’économie américaine. Le récent débat entre les deux candidats déclarés a été marqué par la piètre performance de Joe Biden, fragilisé au sein de son propre camp alors que plusieurs membres du Parti démocrate l’appellent à se retirer de la course à la présidence. L'incertitude politique qui en découle est susceptible d'exacerber la volatilité, à un moment où l'économie ralentit tandis que les taux restent élevés. 

Il convient dès lors d'adopter une position longue sur les taux américains (en particulier les échéances à 5 et 10 ans, offrant un portage plus attrayant que les échéances courtes), qui devraient jouer leur rôle de valeur refuge dans le contexte d'un risque géopolitique accru. Nous comptons mettre en œuvre cette stratégie par le biais d'une position acheteuse (long) sur les États-Unis et vendeuse (short) sur le Canada. Alors que l'économie canadienne a sous-performé son homologue américaine cette année, les surprises économiques sont désormais plus positives au Canada qu’aux États-Unis). En outre, les anticipations d’assouplissement monétaire semblent plus agressives au Canada et les valorisations favorisent les taux américains.

 

Duration en euro : globalement positive, mais négative en France

Malgré les améliorations observées en mai, le cycle et la dynamique économiques restent faibles. En effet, en juin, nous avons vu les gains manufacturiers de mai se dissiper dans l'indice PMI sous le coup des chiffres des nouvelles commandes et ceux de la production. L'inflation est incontestablement en perte de vitesse, notamment sous l’influence de la consommation et du cycle du logement, tandis que les salaires et la production demeurent relativement stables.

La BCE a procédé à sa première baisse de taux en cinq ans et nous tablons sur deux baisses supplémentaires cette année, la prochaine intervenant probablement en septembre. Christine Lagarde a toutefois souligné la « dépendance aux données » et évité de s’engager sur une trajectoire précise. Les hypothèses d'inflation et de croissance pour 2024 et 2025 ont également été revues à la hausse, même si les prévisions d'inflation restent inférieures au niveau affiché en décembre 2023.

Dans l'ensemble, nous estimons que la tendance désinflationniste est toujours à l'œuvre, sur fond de perspectives macroéconomiques fragiles. En outre, les facteurs techniques s’avèrent favorables : la dynamique des flux s'améliore et l'offre devrait progressivement diminuer au second semestre, tandis que le positionnement des investisseurs en matière de duration semble relativement stable. Nous maintenons dès lors une légère surpondération des obligations en euro et prendrons des profits en cas de nouvelle baisse des taux.

Les élections législatives françaises se sont achevées sans qu'aucun camp ne soit en mesure d'obtenir une majorité à l’Assemblée Nationale. Si l'alliance de gauche (NFP) détient le plus grand nombre de sièges, la formation d'un gouvernement semble compliquée, notamment en raison d'un programme économique qui inclut des mesures susceptibles d'aggraver le déficit budgétaire. Alternativement, une coalition de centre-gauche (incluant le parti d’Emmanuel Macron, qui a obtenu le deuxième plus grand nombre de sièges) offrirait une approche plus équilibrée, mais sans éliminer le risque politique. Enfin, un gouvernement technocratique sans majorité, bien qu’il puisse apporter une certaine stabilité économique, pourrait également être la source d’une potentielle paralysie législative. Dans un contexte où le déficit budgétaire du pays a déjà déclenché des signaux d'alerte (de la part des autorités européennes et des agences de notation) et en l'absence de soutien monétaire, les taux et les spreads français devraient rester sous pression. L’incertitude entourant la formation d'un gouvernement et les politiques budgétaires susceptibles d’être mises en œuvre nous incite donc à continuer de sous-pondérer la France.

Nous avons poursuivi le dénouement de notre surpondération de longue date sur l'Autriche, qui s'est bien comportée par rapport aux principaux emprunts d’État européens depuis le dernier trimestre 2022, alors que le scrutin autrichien de septembre risque de perturber le champ politique.

Les valorisations des obligations des pays périphériques restent raisonnables, tandis que la dynamique de l'offre devient plus favorable au segment, à l'exception de l'Italie. En 2024, le resserrement quantitatif lié au PEPP n'aura pas un impact très négatif en termes de flux. Nous avons enfin initié une position longue sur l'Espagne, où la stabilité politique et la situation budgétaire se sont considérablement améliorées. 

 

Crédit en euro : les spreads restent serrés ; les fondamentaux résistent

Nous maintenons une position neutre sur le segment investment grade en euro. Les entreprises européennes ont entamé la saison des résultats sur une note solide, les déceptions étant minoritaires par rapport aux bonnes surprises (au niveau des estimations). En termes sectoriels, la volatilité a essentiellement découlé des événements en France, certains segments – assurance, banque, services aux collectivités, construction, médias – subissant un élargissement des spreads en raison de leur exposition directe et indirecte au risque français. En dehors du segment financier, plusieurs secteurs tels que les matériaux de base, la chimie, l'alimentation/les boissons et la technologie ont néanmoins bien résisté, grâce à leur faible exposition directe à la France et/ou à des risques idiosyncratiques.

Malgré la volatilité liée au récent ajustement, les marchés de crédit n'ont souffert ni d'une détérioration de la demande sur le marché primaire, ni d'une forte pression vendeuse sur le marché secondaire, ce qui reflète l’attrait du crédit auprès des investisseurs ainsi que la résilience du segment. Les spreads, qui ne semblent pas intégrer correctement le niveau de risque actuel, restent toutefois très serrés.

Nous avons légèrement revu à la hausse, de négative à neutre, notre opinion sur le haut rendement en euro. Les fondamentaux demeurent bien orientés, la plupart des entreprises se concentrant sur le désendettement afin d'adapter leur structure de capital à un environnement de taux durablement plus élevés. En outre, ce segment n'a pas retracé autant que le segment IG en raison de la montée de l'incertitude politique en France. Parmi les notations les plus faibles, des inquiétudes se font jour, car certains bilans ne sont pas viables dans le nouveau régime de taux d'intérêt. Les facteurs techniques restent cependant solides, le nombre d’ « étoiles montantes » surpassant celui des « anges déchus », tandis que les crédits les plus faibles sont rétrogradés à des notes inférieures ou égales à CCC. La taille des marchés à haut rendement se réduit alors que la demande reste forte, notamment en Europe. Nous restons pessimistes vis-à-vis du haut rendement américain, qui affiche des spreads moins attrayants et des fondamentaux plus fragiles (sans compter la dérive des notations).

Dans le contexte des élections anticipées, nous avons porté une très grande attention aux titres français, en particulier ceux émis par les banques et les acteurs étroitement liés à l'État, soulignant ainsi l’importance d’une sélection ascendante (bottom-up) des émetteurs.

 

Sur les marchés émergents, nous avons pris des bénéfices sur notre surpondération des obligations d’entreprise

Nous maintenons notre position neutre sur la dette souveraine émergente. Le risque politique mentionné précédemment a eu un impact sur certaines devises au cours du mois de juin, mais la dette émergente a globalement bien résisté, le segment en devise forte surperformant celui en devise locale. Le compartiment distressed/high yield du segment a fourni une performance appréciable cette année, mais la plupart des nouvelles positives semblent désormais prises en compte. De fait, des évolutions favorables telles que les progrès sur le front de l’inflation, l'assouplissement monétaire et la consolidation budgétaire sont intégrées dans les primes de risque de nombreux crédits. Certains émetteurs, comme l'Indonésie, partent de ratios endettement/PIB relativement bas et comptent s’endetter davantage pour investir dans des activités à valeur ajoutée et des projets augmentant le multiplicateur budgétaire, tels que la fourniture de repas gratuits pour tous les écoliers. D'autres se trouvent dans une situation où toute émission de dette pourrait entraîner un élargissement des spreads au cours de l'année, ce qui compenserait une partie des gains de duration résultant d'une baisse des taux sans risque. 

Alors que nous avions une opinion favorable à l’égard des obligations d’entreprise des pays émergents, nous avons pris nos bénéfices car les spreads semblent très serrés après leur récente progression, tandis que l'environnement mondial devient moins favorable.

 

Opportunités de change concentrées sur les devises émergentes

Sur les marchés émergents, nous conservons nos positions longues sur les roupies indienne et indonésienne (INR et IDR), qui offrent un portage très attrayant, ainsi que sur la livre turque (TRY), qui pourrait bénéficier de la renormalisation de la politique économique et monétaire.

Nous conservons une position short CNY/USD, qui peut servir de couverture partielle (dotée d’un portage positif) contre une éventuelle baisse des rendements des obligations d'État chinoises, actuellement sous-pondérées.

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