Les marchés suspendus à l’action des banques centrales

Le mois de mars a été clément pour les investisseurs, la plupart des classes d'actifs ayant enregistré des performances positives. Les marchés boursiers ont gagné du terrain et les spreads de la plupart des classes d'actifs risquées obligataires se sont encore resserrés. Dans le même temps, les rendements des emprunts d'État ont légèrement reculé dans les principales régions. Globalement, les marchés obligataires demeurent suspendus à l’action des banques centrales. La performance des taux du G4 a été tirée par le Royaume-Uni, où le 10 ans a chuté de 19 points de base.

Le segment investment grade en euro a enregistré une performance notable, tandis que le segment high yield est resté à la traîne en raison d'un élargissement des spreads et d'une moindre sensibilité aux taux. Parmi les principales classes d'actifs obligataires, la dette émergente en devise forte s'est distinguée par un gain mensuel supérieur à 2 %.

 

Malgré l'incertitude entourant l'inflation, les obligations en dollar sont attrayantes, alors que le taux neutre implicite du marché semble trop élevé

Les obligations américaines offrent des valorisations attrayantes. Alors que la désinflation a marqué le pas au cours des deux premiers mois de l'année et que la croissance reste robuste, la Fed a peu modifié ses projets d’assouplissement monétaire Cela suggère qu'elle est impatiente d'abaisser ses taux afin de ne pas être « en retard sur la courbe », comme ce fut le cas dans le dernier cycle de hausse. En outre, assouplir sa politique à quelque mois des élections présidentielles américaines serait considéré comme une ingérence politique dans certains milieux ; la Fed préfère dès lors, si les données le permettent, adopter sa première baisse des taux – une décision toujours dotée d’une forte charge symbolique – bien avant cette échéance politique majeure.

Dans l’hypothèse d’un assouplissement monétaire durant l’été et sur la base des prix à terme de l'énergie, notre modèle de juste valeur montre que les niveaux actuels sont attrayants. En outre, s'il est tout à fait possible que le « taux neutre » ait augmenté ces dernières années, nous pensons qu’un niveau implicite proche de 4 % pour le creux du cycle de baisse des taux est trop élevé – ce niveau est nettement supérieur à la trajectoire à long terme de la Fed.

 

Les obligations en euro offrent une valeur intéressante et nous continuons à les surpondérer

Sur la base de nos estimations de juste valeur (fondées sur les anticipations de taux et d’inflation), nous maintenons notre surpondération de la duration en euro. Même si l’on observe une certaine stabilisation de la croissance, la tendance désinflationniste est affirmée et devrait se poursuivre.

La BCE a laissé peu de place au doute quant à la possibilité d’un premier assouplissement en juin, le rythme et l'ampleur des baisses de taux suivantes continuant à dépendre fortement des données.

Nous continuons à sous-pondérer les dettes française et belge par rapport à la dette autrichienne. Malgré un certain risque de notation, nous ne prévoyons pas d'élargissement majeur des spreads en dépit du récent dérapage budgétaire en France. Néanmoins, l'équilibre des risques nous amène à sous-pondérer ces émetteurs par rapport aux autres émetteurs de la zone euro.

Nous maintenons également nos positions longues sur les spreads de la Norvège et du Royaume-Uni par rapport à l'euro. Bien que le processus de désinflation ait été plus lent au Royaume-Uni que dans la zone euro, nous anticipons un « rattrapage », l'inflation globale étant susceptible de passer sous l'objectif de 2 % fixé par la Banque d'Angleterre à partir d'avril et de rester inférieure à ce seuil plusieurs mois. La structure de gouvernance de la BoE pourrait également autoriser une plus grande souplesse par rapport à ses homologues des États-Unis et de la zone euro en ce qui concerne les baisses de taux. L’ampleur de l’assouplissement monétaire pourrait dès lors s’avérer, par rapport aux attentes du marché, plus importante au Royaume-Uni qu’en zone euro.

 

Sur les marchés émergents, nous prenons des bénéfices sur la dette souveraine en devise forte ou locale et ciblons la dette d’entreprise

Depuis que nous avons relevé la note de la dette souveraine émergente en devise forte le mois dernier, les spreads se sont nettement resserrés. La valeur étant concentrée principalement sur le segment high yield, les spreads sont revenus vers 600 pb après avoir dépassé 1 000 pb, tandis que le spread de l’indice par rapport aux bons du Trésor américain s’est réduit à 200 pb. Si l'on exclut les pays notés CCC, les spreads se situent désormais à des niveaux extrêmement tendus.

Sur les marchés en devise locale, les taux réels demeurent globalement assez élevés, notamment en Amérique latine, mais l’essentiel des baisses de taux à venir est déjà intégrée dans les prix de marché et les spreads par rapport aux bons du Trésor américain sont également serrés sur ce segment. Compte tenu de l'incertitude entourant l'inflation et la politique de la Fed, nous privilégions la prudence et adoptons un point de vue neutre.

Nous apprécions les entreprises dont les valorisations paraissent justifiées, sachant que les fondamentaux sont globalement robustes. Ce contexte favorable est renforcé par une offre limitée.

 

Le crédit investment grade en euro reste attrayant et nous relevons la note du crédit investment grade en dollar

Bien que les spreads du segment investment grade en euro par rapport aux emprunts d’État restent tendus, les valorisations de la dette high yield s’avèrent plus attrayantes en raison de spreads BB-BBB particulièrement serrés. Cependant, nous sommes à l'aise avec ces niveaux car les fondamentaux demeurent favorables. La croissance devrait s’améliorer en zone euro à mesure que l'inflation recule, tandis que les bilans des entreprises sont généralement robustes. Les baisses de taux apporteront un soulagement supplémentaire. Le contexte technique devrait également être favorable à court terme, car les investisseurs réorientent leurs fonds vers cette classe d'actifs.

En revanche, compte tenu de l'étroitesse des spreads, les valorisations du crédit américain restent peu attrayantes. Toutefois, pour les investisseurs couverts en euro, les rendements du segment investment grade américain s’améliorent, avec un rendement désormais légèrement supérieur à celui du segment investment grade en euro, contre un écart défavorable de plus de 100 pb en 2023. En conséquence, nous relevons légèrement la note du crédit investment grade américain de -1,0 à -0,5. Mais nous ne relevons pas la note du segment high yield en dollar malgré de meilleurs rendements couverts en euro, étant donné la moins bonne qualité du crédit high yield en dollar par rapport au crédit high yield en euro.

 

Les politiques divergentes des banques centrales créent des opportunités sur le marché des changes

Alors que la paire EUR/HUF approche de 400, les autorités hongroises devraient tenter d’empêcher le Forint de s'affaiblir au-delà de ce niveau pour contenir l'inflation, ce qui les incitera à ralentir le rythme des baisses de taux. D'autre part, le zloty polonais s'est bien comporté grâce à une banque centrale agressive et au retour de la confiance après les dernières élections. Nous initions donc une position longue sur le forint par rapport au zloty.

Au Canada, les chiffres de l'inflation ont surpris à la baisse deux fois de suite, ce qui contraste fortement avec la situation aux États-Unis. Nous pensons donc que la Banque du Canada entamera bientôt son cycle de baisse des taux, avec un rythme susceptible de s’écarter de celui adopté par la Fed. Cela pourrait exercer une pression à la baisse sur le dollar canadien – une situation très différente de celle de l'Australie, où la banque centrale devrait rester l'une des plus agressives des marchés développés, compte tenu d’un pic moins élevé dans le cycle de resserrement monétaire et de taux réels encore faibles, ce qui soutiendra le dollar australien sur une base relative.

Dans certaines stratégies éligibles, nous introduisons également une légère position longue sur la livre turque. Malgré la persistance d'une inflation très élevée, le portage est très important et nous estimons que les risques sont atténués par une banque centrale dont le gouverneur et le vice-gouverneur adhèrent à une politique orthodoxe. Le ministre des Finances a également réaffirmé l'objectif de poursuivre une politique monétaire rigoureuse.

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