Performances positives malgré une forte volatilité des marchés

Assaillis par des vagues de chaleur record et toute une série d'événements géopolitiques et macroéconomiques qui ont mis leurs nerfs à rude épreuve, les investisseurs ont connu un mois de juin particulièrement éprouvant. L’intensification des hostilités entre Israël, les États-Unis et l'Iran a propulsé les cours du pétrole à la hausse et fait planer le spectre d'une déstabilisation régionale, dans un contexte de rumeurs sur un changement de régime. Par la suite, les tensions au Moyen-Orient se sont progressivement apaisées et l'attention des investisseurs s'est tournée vers la date butoir de la trêve de 90 jours annoncée par le président Trump après le « Jour de la libération ». L'alternance imprévisible de phases de tension et de détente a souligné le caractère précaire d'une politique façonnée à la discrétion du président.

En Europe, l'engagement de l'OTAN à consacrer 5 % de son PIB à la défense d'ici 2035 a ravivé les inquiétudes quant à la viabilité des dettes souveraines, braquant les projecteurs sur les spreads d’asset swap et les primes de terme. De l'autre côté de l'Atlantique, le « Big Beautiful Bill » aura des implications budgétaires tout aussi importantes. En matière de politique monétaire, la Banque centrale européenne (BCE) a abaissé ses taux directeurs de 25 points de base en juin, sur fond de recul de l’inflation et des prix de l’énergie associé à un renforcement de l’euro. Néanmoins, les risques de ralentissement et d'inflation persistent, notamment en raison des répercussions de la politique commerciale américaine. En revanche, la hausse des dépenses publiques dans les domaines de la défense et des infrastructures devrait soutenir la croissance à moyen terme.

Aux États-Unis, la Réserve fédérale a maintenu sa politique inchangée, mais ses projections médianes suggèrent toujours deux baisses des taux avant la fin de l'année. Son président, Jerome Powell, a d'ailleurs reconnu que sans l’incertitude liée aux droits de douane, un assouplissement aurait probablement déjà eu lieu. Cependant, s’il est admis que l'utilisation des droits de douane comme outil de négociation par le président Trump plombe le sentiment économique, les indicateurs concrets ne reflètent pas d’impact négatif clair à ce stade.

Malgré la volatilité liée au contexte actuel, les marchés obligataires ont enregistré des performances positives. Les rendements des bons du Trésor américain ont reculé en juin, soutenus par la faiblesse des indicateurs macroéconomiques et du marché du travail, deux facteurs qui plaident en faveur d’un assouplissement monétaire. Début juillet, les rendements ont légèrement augmenté en raison de la résurgence des inquiétudes liées à l'inflation et aux droits de douane, dont la période de suspension touche à sa fin. En Europe, les rendements obligataires sont restés globalement stables durant la majeure partie du mois avant de progresser légèrement en juillet, les investisseurs anticipant la fin du cycle d'assouplissement de la BCE.

Sur le front du crédit, les marchés au comptant ont particulièrement bien résisté à la montée des incertitudes. L'appétit des investisseurs pour le crédit est resté solide, les facteurs techniques entraînant un resserrement des spreads alors que les investisseurs restaient attentistes face à l'évolution de la situation en Iran. Les fondamentaux des entreprises ont continué à soutenir les spreads, tandis que la vigueur de la demande a dopé la performance du marché secondaire, malgré l’important volume des émissions primaires. Les facteurs techniques demeurent favorables et les entrées de fonds ne faiblissent pas, de sorte que les segments investment grade et high yield ont tous deux enregistré des performances positives.

 

Taux américains : adoption d'un positionnement tactiquement neutre, mais opinion positive à moyen terme

Compte tenu de l'interaction complexe entre les bonnes surprises sur le front des données et les tendances économiques sous-jacentes, nous adoptons une position neutre sur les taux américains à court terme. Solides au premier abord, les récents chiffres de l'emploi non agricole masquent une dynamique interne fragilisée : au-delà des embauches dans le secteur public, dues à des facteurs saisonniers dans le domaine de l'éducation, les créations d’emplois sont limitées. Ce constat a incité les investisseurs à repousser de plusieurs mois leurs anticipations de baisse des taux de la Fed. Sur le front budgétaire, le « Big Beautiful Bill » et les inquiétudes que cela suscite ont pesé sur la partie longue de la courbe des taux. La Fed devrait attendre que la situation se clarifie, sachant que les données récentes ont rendu l’assouplissement monétaire moins urgent. Dans ce contexte, la bonne performance des obligations américaines nous incite à prendre des bénéfices sur notre position longue.

Toutefois, les perspectives à moyen terme sont plus favorables et les bons du Trésor pourraient bénéficier d’un ralentissement de l'activité économique et de la persistance des incertitudes liées à la politique commerciale. Les mouvements de marché du mois dernier ont été largement influencés par la baisse des rendements réels, tandis que les anticipations d'inflation (points morts) sont restées stables, ce qui témoigne d’inquiétudes concernant plutôt la croissance que l'inflation. Si les conditions financières restent accommodantes tandis que l'inflation est orientée à la hausse, l’évolution de l’emploi demeure au centre des préoccupations de la Fed. De fait, le marché du travail est en perte de vitesse : les indices ISM se détériorent dans le secteur manufacturier et les services, tandis que les indicateurs de confiance des travailleurs reculent. Alors que les indicateurs avancés laissent entrevoir un nouvel accès de faiblesse, les perspectives à moyen terme restent positives pour la duration, ce qui nous incite à privilégier les échéances courtes.

 

Taux de la zone euro : nous redevenons neutres après une longue période de positionnement positif

Optimistes de longue date vis-à-vis de la région, nous adoptons désormais une attitude plus prudente sur la duration en zone euro. Amorcé fin juin, cet ajustement reflète la conjonction de plusieurs facteurs incitant à la prudence, même si les taux de référence restent proches de leur juste valeur. À court terme, les rendements à deux ans demeurent attractifs en termes de valorisation. Mais le rendement du 10 ans, dont la juste valeur est proche de 2,5 %, semble refléter le niveau d’équilibre du marché malgré quelques signaux haussiers marginaux.

Sur le front macroéconomique, les fondamentaux ne permettent pas de mettre en place des positions directionnelles significatives. En effet, les indicateurs de cycle continuent de brosser un tableau morose. Si les PMI se sont légèrement améliorés, ils continuent d’osciller timidement autour du seuil de 50, voire en dessous dans le cas de pays comme la France. Les perspectives de croissance plaident en faveur d’une stagnation et les gains marginaux laissant entrevoir une production à peine supérieure à zéro.

Parallèlement, la dynamique de l'inflation se stabilise. L'IPC global est revenu progressivement vers 2 %, tandis que l'inflation sous-jacente devrait avoisiner 2,3 % à court terme. Un recul plus important semble peu probable avant 2026. Cette relative stabilisation se traduit par un signal neutre sur l'inflation et la politique monétaire, d'autant plus que les prix de marché s'alignent sur la projection d'une baisse des taux d’ici la fin de l’année (la dernière réunion de la BCE ayant révélé que la fin du cycle d'assouplissement était proche).

Du côté de l'offre, le second semestre 2025 devrait voir une réduction des volumes d'émissions, après l’important effet d'anticipation du début d'année. L'offre d'obligations allemandes a été particulièrement bien absorbée, avec des ratios de souscription élevés et un intérêt croissant des non-résidents. À moyen terme, l’offre pourrait toutefois susciter des inquiétudes, notamment après 2026, en raison de l'expansion des plans budgétaires et de la dépendance croissante à l'égard des émissions à long terme. Cette dynamique renforce l’attrait des stratégies de pentification 10 ans/30 ans, en particulier en Allemagne et aux Pays-Bas, où des changements structurels (tels que l’évolution des fonds de pension néerlandais) accentuent la pression en ce sens.

Notre positionnement sur les obligations souveraines reflète une prise de risque sélective sur les marchés « non-core ». Les transactions récentes incluent une exposition aux obligations liées au développement durable de la Slovénie et aux émetteurs sous-souverains (à titre d’exemple, la Flandre offre un rendement plus intéressant et de meilleurs indicateurs budgétaires que la Belgique). Dans l'ensemble, nous adoptons un biais défensif en matière de duration, via des transactions de pentification et de valeur relative opportunistes en fonction du contexte d’offre et de la situation macroéconomique.

 

Marchés de crédit : optimisme sur la dette subordonnée bancaire, relèvement à « neutre » du haut rendement en euros

Les marchés obligataires investment grade européen et américain font preuve d'une résilience remarquable dans un contexte marqué par l'incertitude géopolitique et les turbulences macroéconomiques.

Malgré un potentiel de compression des spreads limité dans les semaines à venir, la solidité des fondamentaux reste un facteur de soutien. Alors que les résultats du premier trimestre ont été stables, la dynamique des notations reste positive pour le segment investment grade européen (les relèvements de notes sont plus nombreux que les dégradations). Les résultats du deuxième trimestre – en particulier ceux des banques – seront suivis de près, mais aucune détérioration significative n'est anticipée. Les facteurs techniques sont également favorables : une vague d'émissions anticipées en mai et juin a largement satisfait le marché, ce qui se traduira par des volumes modérés pendant l'été. Tandis que la demande reste solide et le positionnement raisonnable, les flux de réinvestissement constituent un facteur positif supplémentaire. Toutefois, le niveau très bas des spreads nous conduit à maintenir une position neutre à l'approche de l'été.

Dans ce contexte, les segments à bêta élevé tels que les CoCos AT1 suscitent un regain d'intérêt, grâce à des rendements de 6 %, une offre limitée et une demande vigoureuse. Bien que les spreads demeurent étroits et que la volatilité estivale ne soit pas sans risque, le portage attractif et le bon contexte de crédit justifient une position modérément positive envers cette classe d'actifs.

Ces tendances se reflètent sur le segment investment grade aux États-Unis. Les valorisations sont tendues, mais les fondamentaux restent satisfaisants : les marges d’EBITDA sont en hausse, l'endettement diminue et les grandes entreprises du segment investment grade affichent de bons revenus ainsi que des charges d'intérêt gérables. Des divergences sectorielles subsistent, l'énergie et la chimie étant à la traîne, mais la vigueur de la technologie et de la santé équilibre le tableau. Au vu de la stabilité des résultats des entreprises, cette dynamique justifie une perspective neutre pour les titres investment grade américains.

Dans le segment du haut rendement, nous affichons un optimisme sélectif (notamment en Europe), alors qu’il faut tenir compte de la détérioration des fondamentaux et de valorisations tendues, notamment aux États-Unis. Contrairement au secteur investment grade, la tendance des notations est négative dans les deux régions, les risques de défaut ne cessant de progresser parmi les émetteurs les moins bien notés. Des secteurs tels que l'automobile et la distribution sont sous pression, et les entreprises « zombies » – incapables de rembourser leur dette dans un contexte de hausse des taux – n’échapperont pas à une restructuration ou un défaut.

En revanche, les facteurs techniques du marché européen du haut rendement s’avèrent relativement solides. Le segment attire de nouveau les capitaux, grâce à des valorisations plus attrayantes après la sous-performance causée par l'excédent d’offre en juin. Avec la probable pause des émissions primaires durant l'été, les spreads des titres européens à haut rendement – élevés par rapport à leur juste valeur à long terme – pourraient rester stables si la volatilité demeure contenue. En outre, du point de vue des investisseurs internationaux, le coût de couverture favorise les titres européens à haut rendement par rapport à leurs homologues américains.

La recapitalisation des dividendes s’avère toutefois préoccupante, car les entreprises soutenues par des fonds de private equity offrent des distributions conséquentes dans un contexte de morosité du marché des introductions en bourse, ce qui accentue la pression sur les indicateurs de crédit. Néanmoins, l'environnement global justifie le retour à une position neutre sur le haut rendement en euros, soutenu par une demande robuste et une offre en diminution.

De son côté, le haut rendement américain demeure sous pression. Les fondamentaux se détériorent, les valorisations semblent excessives et les facteurs techniques commencent à faiblir alors que les émissions reprennent après le moratoire imposé par la saison des résultats. Les récentes opérations de grande envergure, notamment celle concernant Carnival, illustrent cette nouvelle dynamique de l'offre. Dans ce contexte, nous restons résolument négatifs à l’égard du haut rendement américain, dont le potentiel à court terme est limité dans un contexte de resserrement des conditions financières et de valorisations élevées.

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