Comment expliquer le krach boursier de jeudi 12 mars ?

  • Il faut agir plus

L'économie mondiale subit un choc majeur, grave mais temporaire. Comme le moment exact du rebond est très incertain en raison de l'évolution du coronavirus, les investisseurs sont confrontés à une détérioration considérable des perspectives à court terme. Les mesures de confinement nécessaires ont un impact négatif important sur l'activité.

Nous sommes dans une crise de confiance qui a été déclenchée par deux événements majeurs jeudi. Tout d'abord, le président américain Donald Trump a interdit pendant un mois les voyages non essentiels en provenance d'Europe continentale, principal partenaire commercial historique des États-Unis, ce qui n'illustre pas une volonté d'agir de manière coordonnée. Deuxièmement, l’ensemble des mesures annoncées par la BCE hier était en-deçà des attentes du marché, mais ce sont surtout quelques maladresses de communication qui ont pesé sur le sentiment des investisseurs.

Alors que la priorité numéro un est de contenir la propagation du coronavirus, les marchés recherchent désespérément une action rapide et ambitieuse pour atténuer les effets du blocage (temporaire) des différents pays concernés. Ces actions porteront sur des aspects budgétaires et monétaires, éléments importants pour rétablir la confiance.

  • « Nous utiliserons tous les moyens à notre disposition »

L'Allemagne a promis vendredi « au moins » 460 milliards d'euros de garanties et a annoncé qu'il n'y aurait pas de limite aux programmes de crédit destinés à aider les entreprises ; et qu'elle accorderait des allégements fiscaux aux entreprises, y compris des paiements différés. En outre, le Ministre des Finances, Olaf Scholz, a annoncé que le gouvernement serait prêt à s'endetter davantage. Il est important de noter que M. Scholz a proposé d'aider les pays de l'UE dont les finances publiques n’ont pas les mêmes marges de manœuvre. Cela fait suite à l’allocution du Président français, Emmanuel Macron, hier soir, pendant laquelle il a déclaré à plusieurs reprises qu'il soutiendrait l'activité « quel qu'en soit le coût ».

L'Europe semble donc être prête à agir ; nous avons maintenant besoin d'un plan coordonné qui témoigne d'une plus grande solidarité au sein de la zone euro.

Les actions de la banque centrale sont-elles appropriées ?

  • La BCE a déçu, pourquoi ??

Un ensemble de mesures important. Si les actions pouvaient être plus éloquentes que les mots, la décision unanime annoncée hier représente un lot de mesures sans précédent.

Cet ensemble de mesures comprend trois éléments qui s'ajoutent à la politique monétaire déjà accommodante de la BCE. Tout d'abord, les achats d'actifs (Quantitative Easing) seront augmentés de 120 milliards d'euros supplémentaires jusqu'à la fin de l'année, en plus des 20 milliards d'euros mensuels actuels. Deuxièmement, la BCE offrira au secteur bancaire :

  • Un accès généreux aux liquidités à long terme (LTRO)
  • Une diminution du coût du TLTRO III de 25 points de base supplémentaires, tout en prolongeant d’un an son échéance en juin 2020
  • Des mesures d'assouplissement des collatéraux

En outre, le Conseil de surveillance de la BCE a annoncé plus de souplesse sur les réserves de capital et de liquidité « car elles ont été conçues pour ce genre de situation ».

Christine Lagarde a insisté sur l'utilisation de toute la flexibilité prévue dans le cadre des programmes d'achat d'actifs, et sur la convergence vers les limites des émetteurs à la fin du programme. En outre, elle prévoit clairement une augmentation probable des émissions.

En fin de compte, le secteur bancaire européen dispose de plus de réserves de capital grâce à la décision relative au mécanisme de surveillance unique, à un accès moins coûteux aux liquidités et à une liquidité plus abondante. Dans l'ensemble, et en particulier parce que la BCE n'a pas réduit les taux, ce lot de mesures a renforcé le Bénéfice Par Actions (EPS) pour le secteur bancaire.

Un faux pas dans la communication… Nous avons eu l'impression hier que la BCE n'a pas réduit les taux parce car elle n’a pas réussi à trouver de consensus au sein du Conseil des Gouverneurs. Répondant à une question des journalistes sur la réponse de la BCE, Christine Lagarde a déclaré que la BCE n'était pas « là pour réduire les spreads... ». Dans les circonstances actuelles, c'était assez maladroit. cela a eu un impact immédiat sur les spreads de la dette italienne (et française) qui se sont écartés de 0,7 écart-type (σ ) par rapport aux rendements du Bund allemand. Lagarde a dans l’après midi « fait marche arrière » sur ce commentaire, en disant que la BCE est pleinement engagée à éviter la fragmentation des marchés obligataires en zone Euro.

  • La Fed a agi en tant que prêteur en dernier ressort

Des goulots d'étranglement sont apparus hier sur certains marchés financiers, et la Réserve fédérale réagi immédiatement en lançant trois opérations de repo de 500 milliards d'USD chacune pour atténuer les tensions sur les marchés américains, en plus des 175 milliards d'USD de repos à un jour et des 45 milliards d'USD de repos à 14 jours. En bref, la Fed est prête à ajouter 1 500 milliards d'USD de liquidités. En outre, la Fed a élargi ses achats de bons du Trésor au-delà des bons à court terme et a effectué des achats sur toutes les échéances. La Fed semble, ainsi de son côté, prête à faire ce qu'il faut et à remplir son rôle d'acheteur en dernier ressort.

Avons-nous changé notre scénario central ?

  • Nous avons révisé nos perspectives économiques en début de semaine.

Nous maintenons l'idée d'un choc temporaire sur l'économie. Bien entendu, nous continuerons à surveiller de près l'impact sur l'activité économique des mesures de confinement de plus en plus nombreuses.

Nous soulignons que la nature du choc du COVID-19, et l'incertitude entourant toute prévision, sont exceptionnellement élevées à ce stade. Dans notre scénario principal, nous avons supposé que le choc sur l'économie est temporaire, et qu'il ne dure que quelques mois. Mais nous ne pouvons exclure ni un épisode de grippe plus court, ni un épisode de grippe plus long. Dans ce dernier cas, l'impact sur l'économie serait probablement beaucoup plus sévère, avec des vulnérabilités financières croissantes. Dans un tel scénario (notre « scénario de récession »), nous supposons que le choc à la baisse serait cependant deux fois moins important que celui observé en 2008-2009.

Dans l'ensemble, nous maintenons nos prévisions de croissance du PIB aux États-Unis de 0,8 % pour 2020, et prévoyons une reprise de la croissance du PIB en 2021 vers 2,6 %. Nous maintenons également nos prévisions de croissance de 0,3 % pour 2020 pour la zone euro, et nous prévoyons une reprise de la croissance du PIB en 2021 autour de 1,9 %.

Quel l'impact sur l'allocation des actifs ?

  • Comment nous gérons cela dans nos portefeuilles ?

Depuis fin janvier, nous sommes plus prudents ; nous avions acheté des protections et nous sous-pondérons les actions depuis la dernière semaine de février. Pendant la correction, nous avons racheté des actions et vendu une partie de notre protection, mais nous restons légèrement sous-pondérés pour l'instant.

  • Qu'est-ce qui pourrait nous inciter à devenir plus constructifs ?

Nous surveillerons l'amélioration du flux de nouvelles sur la propagation du virus. Tout signe indiquant que l'Italie parvient à contenir la propagation du virus serait encourageant. Le taux de mortalité est également critique. Le pic de l'épidémie dans ce seul pays sera un élément déclencheur pour renforcer la confiance. Tous les yeux sont maintenant tournés vers l'Italie...

En attendant, une intervention énergique des gouvernements et des banques centrales pour atténuer le risque de crise financière sera essentielle pour traverser la tempête. Sur ce point, nous commençons à voir une série d'annonces qui devraient commencer à rassurer les investisseurs.

  • D'énormes potentiels de hausses sur les actifs risqués ?

Si nous admettons qu'une épidémie est par nature temporaire, nous devons reconnaître que pour un investisseur à moyen terme, ce marché rapide et qui surréagit peut créer d'énormes potentiels à la hausse pour les actions et des opportunités sur les marchés obligataires. Jeudi 12 mars, la valorisation de l'indice boursier américain S&P500 avait chuté de 25 % depuis le 1er janvier et se situait bien en dessous de sa médiane historique (14,8 fois les bénéfices contre 16,2), tandis que le marché européen affichait un P/E d'environ 10 x ! Nous disposons maintenant d'un coussin du côté de la valorisation. Du côté des obligations, le taux du High Yield américain a bondi à plus de 8 %, tandis que le taux du High Yield européen offre désormais un rendement de 5,5 %.

Nous pensons que tout flux de nouvelles positives pourrait déclencher des réactions étonnamment positives : une baisse rapide suivi d’une hausse rapide. Il est clair que les investisseurs auront du mal à s'orienter sur ce marché.

Jusqu'à présent, nous restons prudents, mais nous sommes prêts à agir.