Etats-Unis : que faut-il attendre en année électorale ?

Le 5 novembre 2024 se tiendra l’élection présidentielle américaine. Nul doute qu’elle sera au centre de l’attention des marchés l’an prochain. Un nouveau duel Biden – Trump semble aujourd’hui le plus vraisemblable. La ligne d’arrivée est toutefois encore loin et d’autres scénarios sont possibles. Surtout, même si le duel Biden-Trump devait se rejouer, les effets sur les marchés financiers pourraient, cette fois, être assez différents. Que peut-on retenir de l’observation historique du comportement des marchés en année électorale ? Quelles conséquences cette élection peut-elle avoir sur l’économie américaine ? La volatilité des marchés boursiers ne risque-t-elle pas de monter ? Les doutes sur la soutenabilité de la dette publique américaine ne vont-ils pas se faire plus pressants ?

 

“It’s the economy, stupid”… vraiment ?

Un an avant les prochaines élections, la croissance reste dynamique, le S&P500 est au plus haut le 15 décembre, le mouvement de désinflation est bien engagé, le taux de chômage est au plus bas, les écarts entre salaires du bas et du haut de l’échelle se sont resserrés et le mouvement de réindustrialisation est en marche ! Le bilan économique est donc flatteur pour l’Administration Biden… surtout lorsqu’on le compare aux attentes de la plupart des observateurs. Dès la fin 2022 en effet, nombre d’entre eux pensaient que le resserrement de la Réserve fédérale ne pouvait que pousser l’économie américaine en récession… d’ailleurs n’était-ce pas le seul moyen de faire rebaisser l’inflation ? Parier que ce bilan place Biden dans un fauteuil pour être réélu serait toutefois aller un peu vite en besogne. Le ressenti d’un grand nombre de ménages américains n’est probablement pas aussi favorable que les indicateurs ne le suggèrent : si l’inflation est en baisse, les prix sont eux sensiblement plus élevés qu’avant la pandémie (+25 % pour l’alimentation, +20 % pour les voitures neuves et même +35 % pour les voitures d’occasion…). La hausse des taux d’intérêt – pour le crédit à la consommation comme pour les prêts hypothécaires – pourrait également, en pesant sur le budget des ménages et l’accès à la propriété, affecter négativement ce ressenti. Enfin, dans un contexte politique extrêmement polarisé, il est loin d’être certain que cette élection se jouera sur la seule question des performances économiques et boursières !

 

Quel comportement pour les marchés en année électorale ?

S’il est difficile de tirer des leçons des épisodes précédents, l’étude du comportement des marchés boursiers en année électorale livre quelques enseignements. La volatilité tend à y être plus élevée que le reste du temps et les performances boursières sont en général un peu inférieures à la « normale ». La limite de ces études tient bien sûr à la taille réduite de l’échantillon et au fait que des récessions sévères peuvent sensiblement affecter les rendements de certaines années électorales. Ces études n’en livrent pas moins plusieurs enseignements : depuis 1984 au moins, on observe en moyenne en année électorale une performance positive des actions, mais plus faible que les autres années[1].  Cette performance repose sur une croissance des bénéfices des entreprises qui bénéficient en général de la bonne tenue de l’économie à l’approche des élections, alors que la prime de risque tend à augmenter. Cette augmentation et celle de la volatilité pourraient s’expliquer par la montée de l’incertitude autour de la politique économique : à partir de l’été, l’indice « economic policy uncertainty » a en effet tendance à augmenter… pour retomber une fois les résultats connus.

 

Une politique budgétaire sous contrainte

Les marchés seront attentifs aux choix budgétaires des candidats. Si les agendas sont encore flous, D. Trump a promis de prolonger « ses » baisses d’impôts : décidées en 2017, elles arriveront à expiration en 2025. Selon le CRFB (Committee for a Responsible Federal Budget), le coût pour le Budget serait de quelque 3 300 milliards de dollars sur dix ans (3 800 si l’on inclut la hausse des paiements d’intérêts). Toutes choses égales par ailleurs cela creuserait le déficit de plus d’un point de PIB et ferait monter la dette publique à 125 % du PIB en 2033 contre 115 % à politique inchangée (i.e. en laissant les baisses d’impôts expirer).

Financer ces baisses d’impôts, comme l’annonce le candidat Trump, par une hausse de 10 % des droits de douane sur l’ensemble des importations américaines pourrait, sur le papier, rapporter 2,5 trillions de dollars au Budget sur dix ans. Ce chiffre serait toutefois réduit par une contraction des importations et une baisse de la croissance. Surtout, une telle hausse mettrait l’économie mondiale sur la voie d’une guerre commerciale de grande ampleur ! Rééquilibrer le Budget en réduisant les dépenses discrétionnaires hors défense comme le propose aussi le candidat Trump est illusoire : ces dépenses représentent aujourd’hui moins de 3 % du PIB et les réduire de plus de 30 % est irréaliste. Moody’s a récemment rappelé les risques liés à la situation budgétaire du pays en mettant leur AAA sous surveillance négative. Comment réagiront les marchés obligataires à la montée continue du poids de la dette et à une éventuelle dégradation de la notation américaine ? La confiance des investisseurs dans la capacité du gouvernement à gérer son endettement n’a, au fil des ans, cessé de s’éroder : le CDS américain a déjà glissé de 10 points de base en 2021à plus de 50 fin novembre (et plus de 70 au moment de l’impasse sur le plafond de la dette au printemps 2023) [2]. Il aurait de bonnes raisons de se tendre encore…

 

Des enjeux sectoriels plus que macro-économiques

Les marges de manœuvre budgétaire étant aujourd’hui plus réduites, les enjeux de l’élection pour les marchés boursiers seront probablement plus sectoriels que « macroéconomiques ». Or, en la matière, les lignes dessinées par les candidats vont dans des directions radicalement opposées. J. Biden a par exemple promis un secteur de l’électricité décarboné en 2025 et une neutralité carbone en 2050. La précédente Administration Trump s’est, elle, retirée des accords de Paris et a supprimé plusieurs lois ou règlements de protection de l’environnement ; il y a fort à parier que cette direction sera poursuivie si D. Trump l’emportait. De même, l’avenir de l’ACA (« Affordable Care Act ») pourrait aussi être sérieusement compromis si D. Trump était élu. Les propositions des candidats en matière de réglementation de l’intelligence artificielle pourraient aussi faire réagir les marchés. La nature de la majorité présidentielle sera toutefois tout aussi importante que le candidat élu : s’il n’a pas la majorité au Congrès, le Président a peu chances de pouvoir tenir ses promesses…

 

Une politique monétaire sous pression…

La question de l’indépendance de la Réserve fédérale pourrait aussi inquiéter les marchés. D. Trump a souvent attaqué la banque centrale, parfois en termes violents (il a qualifié en 2019 son patron, J. Powell, de « crétin ») et a tenté d’y nommer Judy Shelton, très critique de l’institution et fervente partisane du retour à l’étalon or. Si D. Trump était élu, J. Shelton pourrait bien faire son entrée à la Fed (à condition bien sûr que le Sénat ne s’y oppose pas à nouveau), voire même à la tête de l’institution en remplacement de J. Powell, dont le mandat en tant que Président expire en janvier 2026. Revenir sur l’indépendance de la banque centrale – ou même simplement le laisser entendre – avant même que le souvenir du récent épisode inflationniste ne soit effacé, serait dangereux !

 

Vers une hausse de la prime de risque action et de la volatilité… tant que l’incertitude persiste

Les programmes de D. Trump et J. Biden engageront ainsi l’économie américaine sur des voies très différentes. Tant qu’un candidat ne se détachera pas, il y a fort à parier que l’incertitude pèsera sur les marchés actions et nourrira leur volatilité. Si le passé n’est pas toujours un « bon » guide, rappelons que lors de l’élection de 2020, Biden avait certes obtenu 7 millions de voix de plus que son adversaire, mais l’élection s’était jouée à moins de 100 000 voix, dans une poignée d’Etats ! Le pire pour les marchés serait bien sûr que l’incertitude ne soit pas levée le 5 novembre 2024…

 

 

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[1] Analyse Candriam, données Bloomberg
[2] Source Bloomberg, données au 2 mai et 30 novembre 2021

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