Les précipitations extrêmes et les sécheresses étant de plus en plus fréquentes, près de la moitié de la population mondiale est aujourd'hui confrontée à une grave pénurie d'eau pendant au moins une partie de l'année, selon les Nations unies. Dans ce contexte, notre conviction est que les entreprises doivent se mettre en ordre de marche pour faire face aux défis opérationnels et stratégiques posés par l'eau, notamment sa rareté et la détérioration de sa qualité. La durabilité et la rentabilité des entreprises sont en jeu. Pour les investisseurs, les répercussions peuvent être importantes également ; l'évaluation des risques hydriques des entreprises est essentielle dans toute analyse de durabilité. Il est question à la fois d'atténuer les effets négatifs sur les écosystèmes et d'identifier les risques potentiels et les opportunités d'investissement.
L'eau est une ressource vitale pour les entreprises de nombreux secteurs ; 69 % des sociétés cotées en bourse reconnaissent être exposées à des risques hydriques qui pourraient impacter substantiellement leurs activités[1]. Chez Candriam, nous sommes convaincus que les entreprises doivent passer à des business models plus robustes ; sauf modification des modes de consommation et de production actuels, la planète sera bientôt confrontée à de graves déficits d'approvisionnement en eau.
Les conséquences pour les entreprises peuvent être à la fois opérationnelles - comme les restrictions d'eau annoncées ou déjà mises en œuvre dans certaines régions d'Europe - et financières. Au niveau mondial, la crise de l’eau génère déjà des pertes de plusieurs milliards de dollars pour les entreprises. Une étude du CDP datant de 2022 a montré que 15,5 milliards de dollars avaient été bloqués ou étaient menacés en raison de l'épuisement ou de la contamination des réserves d'eau[2]. Par conséquent, les entreprises doivent considérer et gérer l'eau à la hauteur du risque stratégique et opérationnel qu'elle peut représenter à long terme. Celles qui parviennent à intégrer l'eau dans leur planification opérationnelle et financière à long terme pourraient bénéficier de davantage d’opportunités.
Les producteurs d'électricité en sont un exemple frappant, avec leur forte dépendance à l'égard des ressources en eau. Plusieurs formes d'activités de production d'énergie sont particulièrement menacées en cas de pénurie d'eau. L'énergie hydroélectrique représente 15 % de la production mondiale d'électricité[3] et est sensible à l'évolution du régime des précipitations. Alors que les sécheresses peuvent limiter les capacités de production d'électricité en réduisant les niveaux d'eau, des précipitations ou un ruissellement en excès peuvent entraîner des inondations et endommager les infrastructures. Quant aux centrales thermiques à base de combustibles fossiles et aux centrales nucléaires, elles ont besoin de grands volumes d'eau pour le refroidissement. Sans un accès suffisant à l'eau douce, ces centrales ne peuvent pas fonctionner en toute sécurité. En France, le refroidissement des réacteurs nucléaires représente environ un tiers de la consommation totale d'eau[4]. Le nombre des infrastructures d'approvisionnement en énergie situées dans des zones à stress hydrique élevé devrait augmenter au cours des prochaines années, ce qui pose des risques opérationnels et stratégiques importants.
L'évaluation des risques hydriques est essentielle, tant pour les entreprises que pour les investisseurs - mais la tâche est complexe
Les risques hydriques étant devenus une question importante pour les entreprises et les investisseurs, il est essentiel que les uns et les autres les évaluent correctement.
- Les investisseurs doivent comprendre l'exposition des entreprises aux risques hydriques, et l'impact potentiel de ces risques sur la valeur de leurs investissements.
- Les entreprises doivent évaluer les risques hydriques afin d’élaborer des stratégies adaptées pour y faire face, ce qui requiert une supervision au plus haut niveau.
Evaluer les risques hydriques des entreprises nécessite d’analyser leur empreinte hydrique et de comprendre leur impact sur l'environnement et leur dépendance à l'égard de l'eau. L’exercice est complexe à cause du manque de données. Bien que la réglementation européenne oblige désormais les grandes entreprises cotées à déclarer un certain nombre de données ESG, notamment leur utilisation de l'eau et la perte de biodiversité qu’elles occasionnent, il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine. En outre, la consommation d'eau et les risques doivent être analysés non pas au niveau de l'entreprise mais individuellement pour chacun de ses sites d’exploitation, et en tenant compte des données géographiques locales, y compris les "hotspots" (lieux à haut risque hydrique).
Une solution pour les investisseurs consiste à développer leur propre cadre d’analyse des risques hydriques, ou à travailler avec des gestionnaires d'actifs qui ont développé les méthodologies et les outils adéquats. Seuls ceux-ci sont en mesure d'identifier quels actifs sont à risque et dans quelle mesure - ce qui permet de comprendre en détail l'exposition de l’entreprise au risque hydrique ainsi que sa stratégie de gestion de l’eau.
Exemple d'analyse du niveau de stress hydrique des sites d’exploitation d'une entreprise
Le chemin vers des business models et des stratégies d'investissement respectueux de l'eau n'est pas un long fleuve tranquille, et le temps presse. Mais c'est de la complexité que naissent les opportunités à la fois commerciales et en matière d’investissements. Renforçons dès maintenant notre résilience face à l'eau !
[1] Source : Carbon Disclosure Project (en anglais)
[2] Source : CDP - https://www.cdp.net/en/research/global-reports/high-and-dry-how-water-issues-are-stranding-assets
[3] Source : Agence internationale de l'énergie
[4] Source : Ministère français de la transition écologique (2022)