La « soupe plastique », composée de plusieurs milliards de tonnes de plastique invisible à l'œil nu qui flottent sous la surface de l’océan, est une métaphore bien moins appétissante qu’elle n’y paraît. Lorsqu’ils commandent une soupe de poisson au restaurant, peu de clients se doutent qu’ils recevront probablement quelques microplastiques en guise d'accompagnement.
En matière de pollution, le plastique est le premier grand fléau environnemental. Et à juste titre. D'un autre côté, il présente de nombreux avantages qui doivent être reconnus. Ses défenseurs estiment par exemple que, puisqu’il a été conçu pour résister dans le temps, le plastique est l’un des matériaux les plus durables et responsables qui existe et il offre de nombreux bénéfices.
Peut-on continuer à utiliser du plastique ? Existe-il des solutions responsables ?
Le plastique est la cause d'un gigantesque problème de pollution. Le Forum économique mondial et la Fondation Ellen MacArthur estiment que, d’ici 2050, il y aura plus de plastique que de poisson dans les océans[1]. L'augmentation constante de la production de plastique et son incroyable durée de vie ont de toute évidence une part à jouer dans ce désastre. Plus concrètement, la production annuelle de ce matériau est passée de 1,5 million de tonnes en 1950 à 359 millions de tonnes en 2018[2]. Le plastique « jetable », comme on le surnomme, n’a en réalité rien de jetable. Avec une décomposition allant de 450 ans pour les bouteilles plastiques jusqu’à 1 000 ans[3] pour d'autres types de déchets, sa présence sur Terre s'étalera sur de nombreux siècles. Les recherches académiques révèlent que la majorité des déchets plastiques contenus dans les océans prennent leur origine dans plusieurs fleuves d’Asie et d’Afrique. Ce qui ne signifie pas nécessairement que sa production ou sa consommation proviennent de ces régions[4].
Le plastique présente de nombreux avantages, notamment du fait de sa robustesse, de son poids plume, de sa polyvalence et de son coût relativement bas. Certaines matières plastiques telles que le PET, le PVC ou encore le PP offrent des propriétés bien distinctes. Ce qui nous amène à son principal point faible : son élimination. Et c’est justement parce qu’il est très durable qu’une élimination appropriée est primordiale. Malheureusement, les solutions inadéquates mises en place à l’heure actuelle ne font qu’alimenter la soupe plastique dont se nourrit la Terre.
L’utilisation plus élaborée qu’en fait un certain nombre d'industries met en lumière quelques avantages du plastique. Dans de nombreux cas, cependant, le recours à une meilleure utilisation se révèle trop cher ou tout simplement inexistant. La plupart du temps, le plastique pourrait – ou devrait – être remplacé par un autre matériau. Mais cette substitution est loin d’être nécessaire systématiquement. Dans le domaine de l’aviation et du transport, par exemple, les éléments plastiques, qui sont résistants à la corrosion, solides et plutôt légers, permettent d'économiser du carburant et de limiter les émissions de gaz à effet de serre. Parallèlement, le secteur du matériel de sécurité dépend largement du plastique pour la fabrication de casques, lunettes et autres équipements essentiels pour assurer la santé et la sécurité de tous. Et du côté des emballages alimentaires ? Certains avantages sont indéniables : les emballages modernes permettent de réduire le gaspillage alimentaire en prolongeant la durée de conservation des aliments.
Faut-il éliminer ou traiter le problème ?
Pour répondre à ce dilemme, deux grands axes peuvent être envisagés, à savoir : éliminer la source de la pollution ou bien traiter ses conséquences. Des réglementations sont mises en place à l'échelon mondial afin de pouvoir éliminer la source du problème. La plus célèbre est la Directive européenne sur les plastiques à usage unique, qui prévoit l’interdiction des cotons-tiges, pailles, assiettes, couverts et autres objets plastiques à usage unique d’ici 2021. D'autres réglementations ont aussi été déployées. Les Principes pour l’Investissement Responsable (PRI) des Nations Unies offrent une représentation historique et graphique des réglementations sur le plastique à usage unique, illustrant la rapide prise en considération du problème. Chères entreprises, prenez-en bonne note. Ces réglementations s'attaquent à la racine du problème, ce qui constitue un point de départ logique pour venir à bout de la pollution plastique.
Le recyclage permet de limiter les conséquences. Il existe trois méthodes pour se débarrasser du plastique : le recyclage, l’incinération et les déchetteries. Malheureusement, plus de 40 % des plastiques produits dans le monde entier finissent leur course dans les déchetteries[5]. Les déchets des pays occidentaux, tels que le plastique, destinés aux déchetteries sont, depuis des dizaines d'années, envoyés dans des pays en voie de développement dont les réglementations sont moins strictes. Mais les temps changent, et certains refus commencent à se faire entendre. C’est le cas notamment de la Chine, qui interdit désormais l'importation de déchets plastiques. Les pays occidentaux exportateurs de déchets doivent aujourd’hui faire face à de nouvelles circonstances. Terminé d’exporter le problème et de faire l’autruche. Il nous faut assumer nos actes.
Le ramassage du plastique est par ailleurs essentiel pour assurer l’impact du recyclage. Il peut être moins efficace, notamment en raison de la présence d'éléments contaminants (chimiques) ou dus à sa conception (le plastique coloré est plus difficile à recycler). Le taux de ramassage actuel des matières plastiques n’est pas suffisant pour répondre à la demande croissante en matières premières recyclées. Ce déséquilibre exerce des pressions sur le prix. Selon IHS Markit, le plastique rPET (« r » pour recyclé) est aujourd’hui jusqu’à 40 % plus cher au kilo que la résine vierge importée. Une partie de la solution pourrait être traitée par la mise en place de récipients plastiques consignés. Cette méthode, qui consiste à ajouter lors de la vente des produits une caution remboursable lorsque le consommateur rapporte ses récipients vides, pourrait porter le taux de ramassage à plus de 90 %, comme c’est le cas en Allemagne et en Norvège.
Chers investisseurs, prenez-en bonne note. Ces problématiques et ces solutions auront indubitablement un impact sur la totalité de la chaîne de valeur du plastique, ce qui créera des risques, mais aussi des opportunités pour les investisseurs. À commencer par les compagnies de pétrole et de gaz qui, bien qu’elles ne soient pas directement ciblées par les nouvelles réglementations, pourront subir l’essoufflement de la demande pétrochimique de la part des producteurs de plastique vierge. Les entreprises chimiques qui produisent des polymères pourraient quant à elles perdre la bataille face à d'éventuelles perturbations telles que le recyclage des produits biochimiques et chimiques. Le secteur des biens de consommation pourrait de son côté faire face à un défi de taille. En effet, les entreprises sont directement concernées par le durcissement de la réglementation et la hausse de la sensibilisation des consommateurs en matière d’emballage durable et recyclé. Plus loin dans la chaîne, les sociétés de gestion des déchets auront elles aussi un rôle à jouer dans le cycle de vie des matières plastiques, par exemple dans le recyclage, le tri ou la consigne.
Objectifs de développement durable.
En outre, la gestion du plastique s'aligne parfaitement aux Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies. La prise de conscience croissante des dirigeants du monde, des consommateurs et des entreprises reflète l’objectif n°12 qui consiste à « Établir des modes de consommation et de production durable ». La planète Terre doit pouvoir compter sur nous pour développer une économie circulaire.
Les investisseurs peuvent contribuer au développement d'une économie circulaire en finançant des entreprises qui visent à répondre aux enjeux les plus urgents et à se conformer à l’objectif européen de mettre en œuvre son Plan d'action pour une économie circulaire. Pour répondre pleinement à la demande annuelle de la population mondiale en ressources naturelles, il faudrait l'équivalent de 1,7 planète comme la Terre. D’ici 2050, le nombre devrait passer à 3 planètes. Ces problématiques ne sont pas le seul fait du plastique, mais le matériau illustre à juste titre le besoin immédiat de solutions.
Par chance, la pollution plastique attire de plus en plus l'attention des médias et le paysage réglementaire et la prise de conscience générale provoquent de nombreux changements. Le problème n'a cependant rien d’exagéré ; il représente un enjeu de taille pour lequel des solutions révolutionnaires seront indispensables à court terme. Pour développer des solutions fonctionnelles, nous devons garder à l’esprit que le plastique n’est pas un matériau totalement mauvais et qu'il peut contribuer à un avenir plus durable. Nous devons néanmoins réduire sa consommation, assurer un ramassage adéquat des matériaux utilisés et recycler/réutiliser autant que possible.
En tant qu’entreprise responsable, Candriam cherche à lutter contre la pollution plastique grâce à des initiatives internes et citoyennes, dont la plupart ont été suggérées par nos employés. À titre d’exemple, nous réduisons notre consommation plastique en éliminant progressivement les bouteilles plastiques de nos salles de réunion et en mettant à disposition des fontaines à eau directement reliées au réseau de distribution d’eau (plutôt que des fontaines avec bonbonne). Nous partageons nos idées dans le cadre d’initiatives ciblées autour de thèmes tels que la Semaine européenne pour la réduction des déchets et la Semaine du développement durable.
Le plastique a été conçu pour durer. Pour profiter pleinement de ses avantages, nous devons identifier et traiter les problèmes dus à sa longévité.
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[3] https://www.wsscc.org/wp-content/uploads/2017/03/Lifespan-of-waste-in-nature-e1488885241293.png
[4] Export of Plastic Debris (« exportation des débris plastiques par les fleuves dans les océans »), par Christian Schmidt, Tobias Krauth, Stephan Wagner
[5] Fondation Ellen MacArthur