Servaas Michielssens, Head of Healthcare, Thematic Global Equity chez Candriam
Le dimanche 27 juillet 2025, l'Union européenne et les États-Unis ont conclu avec succès un accord commercial, ouvrant la voie à un renforcement des relations économiques entre les deux régions. Si les premiers rapports ont semé une certaine confusion, il semble désormais que la plupart des produits pharmaceutiques, à l'exception de certains génériques, seront soumis à un droit de douane de 15 %. Cependant, cela ne marque pas la fin des discussions. Les droits de douane sur les produits pharmaceutiques sont encore susceptibles d'être modifiés. Des discussions en cours au titre de l'article 232, qui examine les implications en matière de sécurité nationale, pourraient encore servir de levier pour modifier les droits de douane sur le secteur pharmaceutique.
Quels sont les objectifs de l'administration Trump ?
Les principaux objectifs de cette initiative sont avant tout de relocaliser la production pharmaceutique, de créer des emplois au niveau national et de réduire au minimum la dépendance du pays vis-à-vis des chaînes d'approvisionnement étrangères. Cette initiative s'inscrit dans le cadre d'une stratégie globale visant à renforcer la sécurité économique et des soins de santé.
Deuxièmement, il y a une implication fiscale. De nombreuses entreprises pharmaceutiques fabriquent des médicaments dans des pays comme l'Irlande, où elles bénéficient d’un cadre fiscal avantageux. Le rapatriement de la production permettrait aux États-Unis d’augmenter les recettes tirées de l'impôt sur les sociétés.
Enfin, les droits de douane pourraient être utilisés comme levier pour résoudre le problème persistant des disparités dans les prix des médicaments. Les consommateurs américains paient souvent beaucoup plus cher que les patients des autres pays développés, et l'administration pourrait utiliser les droits de douane pour faire pression sur les entreprises afin qu'elles réduisent cet écart. Même si la politique tarifaire et la fabrication sont des questions distinctes, elles restent politiquement liées.
Impact sur l'industrie
À court terme, l'impact sur les entreprises pharmaceutiques est limité. Bon nombre d’entre elles ont augmenté leurs stocks de manière préventive aux États-Unis afin de se prémunir contre des perturbations à court terme. À moyen terme, l'industrie a déjà réagi en annonçant plus de 200 milliards de dollars d'investissements1 pour accroître la capacité de production aux États-Unis.
L'administration Trump a publiquement félicité plusieurs entreprises pour ces efforts, signalant une volonté de laisser du temps pour leur mise en œuvre avant d'appliquer de nouveaux droits de douane. Il va de soi que la mise en place d'une chaîne de production ne peut se faire du jour au lendemain.
D'un point de vue commercial, les droits de douane sur les produits pharmaceutiques peuvent ne pas s’avérer aussi perturbants que dans d'autres secteurs. Grâce à leurs marges brutes élevées, les entreprises pharmaceutiques peuvent absorber des augmentations modestes de leurs coûts. Cependant, la complexité réside dans les prix de transfert. De nombreuses entreprises attribuent une valeur interne élevée aux médicaments fabriqués à l'étranger, notamment en raison de la propriété intellectuelle qui leur est attachée.
Cette pratique a pour effet de déplacer les bénéfices - et donc les impôts - vers des juridictions où les taxes sont moins élevées. Si des droits de douane sont appliqués, cette approche comptable sera probablement examinée de près.
Il est intéressant de noter que les entreprises pharmaceutiques basées aux États-Unis peuvent être plus exposées que leurs homologues non américaines. Elles sont en effet nombreuses à avoir délocalisé leur production et leur propriété intellectuelle pour bénéficier d’un arbitrage fiscal. En revanche, les entreprises étrangères disposent souvent d'importantes capacités de production aux États-Unis et sont moins incitées à pratiquer des prix de transfert agressifs.
La chaîne de valeur de l’industrie pharmaceutique
Quelles sont les répercussions sur nos portefeuilles ?
Les droits de douane ne constituent pas un facteur déterminant dans le positionnement de nos portefeuilles dans le secteur de la santé. Nos décisions d'investissement sont principalement guidées par une approche « bottom-up », fondée sur les entreprises dont les produits et services font une différence significative pour les patients, qui répondent à d'importantes opportunités de marché et gérées par des équipes de direction compétentes. Bien que nous évaluions l'exposition potentielle aux risques géopolitiques, y compris les droits de douane, dans le cadre de la détermination de la taille de nos positions, ces considérations servent rarement de facteurs clés dans la construction de nos portefeuilles. Nous accordons d’avantage d’importance à des facteurs tels que l'avantage concurrentiel d'une entreprise, son potentiel de croissance et la qualité de sa direction. Bien que les droits de douane puissent avoir un impact sur certaines entreprises, en particulier celles qui ont des chaînes d'approvisionnement ou des activités de fabrication importantes à l'international, nos recherches indiquent que de nombreuses entreprises du secteur de la santé ont déjà commencé à s'adapter aux changements potentiels de la politique commerciale en diversifiant leurs chaînes d'approvisionnement et en investissant dans des capacités de fabrication nationales. Par conséquent, même si nous continuons à surveiller l'évolution du paysage commercial, notre thèse d'investissement reste centrée sur les atouts fondamentaux et les perspectives de croissance des entreprises de nos portefeuilles.
Une orientation claire dans un contexte d'incertitude
Les droits de douane sur les produits pharmaceutiques demeurent difficiles à cerner, compte tenu de l’enquête en cours au titre de la Section 232. Dans l'état actuel des choses, l'impact des droits de douane peut être absorbé, mais nous attendons de plus amples détails sur la mise en œuvre exacte de ces tarifs. L’orientation globale est claire : un contrôle accru des États-Unis sur la chaîne d'approvisionnement pharmaceutique, une augmentation des recettes fiscales et la possibilité de se servir de droits de douane supplémentaires via la section 232 comme d'un levier dans les discussions sur le prix des médicaments.