Le renminbi, le nouveau dollar ?

La Chine est-elle en train de gagner la guerre économique du Covid ?

Confrontée à la guerre commerciale et à la crise de la Covid-19, la Chine est sortie gagnante sur le plan économique. Contre toute attente, le pays a réussi sa transition en parvenant à s’extraire du piège des « revenus moyens » dans lequel la plupart des pays émergents finissent par s’embourber et en s’élevant dans la chaine de valeur, pour devenir une économie axée sur la consommation.

Un succès économique domestique mais (pas encore) une puissance économique mondiale, la Chine est devenue moins ouverte sur le front économique, mais plus ouverte financièrement. Une ouverture financière qui reste néanmoins mesurée, limitée et artificielle. Donald Trump l’a très sérieusement écornée, pas avec ses tarifs douaniers, mais en s’attaquant à Huawei, le champion national du secteur de la Tech. Ces évolutions soulèvent des questions cosmiques : comment et pourquoi une devise devient-elle dominante ? Le prochain ‘dollar’ sera-t-il une monnaie fiduciaire ? Quels seraient les avantages pour les investisseurs, si le renminbi devenait le prochain « dollar tout puissant » ?

La planche à billet, une réponse à la crise de la Covid

Non seulement la Chine a été capable de maitriser son épidémie de Covid rapidement, mais elle l’a fait sans se résoudre à faire tourner sa planche à billets. Isolé, ce facteur suggère que la Chine prend un statut de devise mondiale. Mais si l’on regarde son niveau d’endettement, cela semble moins évident.

Durant le mois de mars 2020, le renminbi a rejoint le club très fermé des devises ‘refuge’ vis-à-vis du dollar. Il est intéressant de noter que l’appréciation soudaine du dollar a été provoquée, notamment, par une crise de liquidité sur les marchés interbancaires américains qui remonte à la fin, en 2019, du programme d’assouplissement quantitative de la Fed et qui aura duré dix ans.

Le dollar US : un long règne

Au sens moderne du terme, une devise n’est rien d’autre qu’un emprunt d’Etat qui ne verse pas d’intérêts et n’a pas de valeur physique. Il s’agit d’un outil d’échange et d’une réserve de valeur, qui s’appuie sur un effet réseau et sur le niveau de confiance dans l’Etat émetteur – dans une certaine mesure, une caractéristique qui s’autoalimente. Si les déséquilibres s’accumulent, seul un bouleversement majeur pourra rétablir l’ordre des choses. Un cas de figure qui n’a eu lieu qu’une seule fois dans l’histoire des monnaies fiduciaires, lorsque la livre sterling s’est inclinée devant le nouveau roi, le dollar américain.

Depuis la fin de l’étalon-or pour la livre sterling, la banque centrale représente le sommet des hiérarchies nationales respectives en termes de devises. De la même manière, l’on pourrait imaginer que la banque centrale la plus puissante se situe au sommet du système mondial, c’est-à-dire le Dollar. En temps normal, la stabilité de la monnaie, ou le pouvoir d’achat est la priorité, parfois aux dépens de la croissance économique ou de la population. En temps de guerres et de crises, la situation est inversée. Les gouvernements font tourner la planche à billets avec frénésie. Pendant la pandémie de la Covid, les banques centrales aux Etats-Unis et en Europe se sont jetées corps et âmes dans le financement du déficit public.

C’est pourquoi, au début du XXe siècle, la Grande Bretagne a passé le flambeau de la principale devise aux Etats-Unis. Le prix à payer a été l’honneur de devenir le créancier du monde entier. Le Deutsche Mark a été un concurrent au Dollar dans les décennies qui ont suivi la guerre. Les faiblesses intrinsèques de l'euro ont fait qu'il n'a pas pu conserver le momentum hérité du Deutsche Mark. Le renminbi est-il en mesure d’assumer un rôle de leadership aujourd’hui ?

La naissance d’une devise mondiale ?

La Chine se veut une puissance économique mondiale, mais elle ne l’est pas de manière incontestable. Pourtant, face à la pandémie mondiale la plus grave depuis la grippe espagnole, la Chine a surmonté l’épidémie et a été la première à réussir un retour à la normale, en tant que société. 

Les chinois sont réputés pour leur constance et leur rigueur. Ainsi, il y a 25 ans, la Chine s’est lancée dans une transformation visant à ouvrir une économie qui était quasiment autosuffisante et de l’amener vers les eaux profondes du capitalisme. Au cours des deux dernières années, la Chine a surpris le monde et a démenti l’idée d’un modèle de croissance s’appuyant sur une industrie manufacturière polluante, un faible coût du travail et des produits standardisés.

Pour devenir une grande devise mondiale, la nation concernée doit s’affirmer comme la destination, mais également la source, de montants d’investissement très importants. Une devise principale doit également être la monnaie d’une puissance mondiale, afin de justifier la « pleine foi et crédit » de son gouvernement. Être la devise dominante signifie que le reste du monde ne pourra jamais en avoir assez. Par conséquent, la superpuissance économique sous-jacente devient structurellement le débiteur du monde entier, afin de satisfaire la demande pour sa devise.

La Chine reste une économie résolument fermée, bien décidée à devenir un créancier encore plus important. En fait, en recyclant ses réserves gigantesques de dollars américains, la Chine reconnaît et consolide la suprématie du billet vert et prive sa propre devise de l’opportunité de devenir un outil mondial d’échanges et de réserves.

La Chine est un électron libre, qui suscite une certaine fascination. Mais se peut-il que Xi Jinping ait été à la fois la pire et la meilleure chose qui soit arrivée pour le pays au cours des dix dernières années ? Au vingtième siècle, l’ancienne Union Soviétique a envoyé le premier homme dans l’espace, avant les Etats-Unis. La confiance soviétique dans les pouvoirs du pays a peut-être étouffé une possible ouverture dans les systèmes sociétaux ou économiques de l’Union Soviétique. Est-ce à cause de ce manque d’ouverture que le régime soviétique a été contraint de s’incliner face aux Etats-Unis ? Se pourrait-il que le régime politique sur lequel la Chine a bâti son succès économique l’empêche, au final, de dépasser les Etats-Unis ?

L’utilisation dystopique faite par la Chine des technologies d’IA les plus sophistiquées afin de suivre chaque individu, chaque interaction sociale et la moindre petite infraction fait froid dans le dos. La Chine est une superpuissance industrielle, bien positionnée pour s’imposer comme la puissance dominante dans le domaine de la technologie.

Le développement de plusieurs vaccins dans le monde occidental offre une lueur d’espoir, un signe de l’efficacité des gouvernements non-totalitaires. En revanche la Chine nous rappelle une leçon qui avait été oubliée depuis la dernière guerre mondiale : le besoin de discipline et d’efficacité dans l’organisation sociale et gouvernementale pendant les périodes de crise, et la dimension stratégique du secteur manufacturier.

Conclusion : notre argent et votre problème

Lorsqu’en raison des vestiges du système Bretton-Woods autour du dollar, les Etats-Unis « exportaient » de l’inflation vers l’Europe, le secrétaire au Trésor Connally a qualifié le dollar comme étant « notre devise, mais votre problème ». Les manuels d’histoire économique nous rappellent qu’une période de dépréciation durable et pénible s’est ensuite installée. Le Japon a également payé le prix fort de sa confiance aveugle dans le billet vert, lorsque les excédents de compte courant de plusieurs années investis aux Etats-Unis sont partis en fumée. Les vicissitudes de l’histoire ont souvent contraint les acteurs de la finance et du commerce mondial à se tourner vers une devise en particulier – lorsque les autres options disparaissent – souvent en raison d’une crise soudaine et dramatique.

Prédire le gagnant structurel dans le domaine des devises n’est pas une stratégie d’investissement rationnelle.

Chart: The Race for Indebtedness (% GDP)Chart: Money Printing

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