La normalisation des politiques au premier plan

 

Ces dernières semaines, la normalisation des politiques a occupé le devant de la scène, faisant la une des journaux et des marchés du monde entier. Comme attendu tout au long du second semestre, Jérôme Powell a une fois de plus envoyé un signal agressif au marché. En abandonnant le caractère « transitoire » de l’inflation auquel elle s’était précédemment accrochée, la Fed a explicitement et délibérément choisi de durcir le ton, avec un « dot-plot » (graphique qui représente les estimations concernant l’évolution des taux d’intérêt) qui indique désormais trois hausses de taux en 2022. Ce sentiment a trouvé écho outre-Atlantique lorsque la BCE a annoncé la réduction progressive de son programme d’achat d’actifs (PEPP), qui devrait prendre fin en mars 2022, même si les taux resteront inchangés cette année. La Banque d’Angleterre, quant à elle, a procédé à un relèvement de 25 points de base de ses taux sous la pression continue de niveaux d’inflation jamais constatés depuis plusieurs décennies, tandis que la Banque du Canada devrait également suivre le mouvement. Les banques centrales des pays émergents n’ont pas été en reste, ayant déjà mis en œuvre des politiques de resserrement au cours des derniers mois. Les pays d’Europe de l’Est (République tchèque par exemple) et d’Amérique latine (Mexique, Brésil) ont poursuivi leurs hausses de taux. Dans ce contexte, les marchés mondiaux ont souffert depuis décembre 2021, les emprunts d’État et le marché du crédit affichant des performances négatives. Les taux « core », représentés par les bons du Trésor américains et les Bunds allemands, ont connu de fortes hausses, imités par les emprunts des États périphériques, notamment le Portugal et l’Irlande. Les produits à spreads libellés en dollars ont également souffert, les marchés émergents et le haut rendement américain ayant enregistré des rendements négatifs au cours du mois dernier. Sur les marchés du crédit, tous les secteurs se sont placés en territoire négatif, les secteurs défensifs étant les plus touchés (télécoms, santé).  

Ce qui semble clair, c’est que la politique des banques centrales sera probablement décisive pour l’avenir des marchés obligataires. Les décideurs politiques et leurs actions vont continuer à être d’une importance capitale pendant la phase de durcissement, comme ils l’étaient pendant la phase d’accompagnement. Les acteurs du marché se sont tellement habitués au soutien des banques centrales au cours des dernières années (et en fait depuis 2012) que toute activité ou menace de resserrement s’est accompagnée d’une augmentation significative de la volatilité, ce qui sera probablement à nouveau le cas en 2022. Cette année, cependant, nous risquons d’être plus vulnérables, car le resserrement collectif qui est actuellement mis en œuvre dans le monde entier a lieu dans un contexte de propagation du variant Omicron et de diminution du soutien fiscal. Le risque politique est également présent, car les élections de mi-mandat aux États-Unis et les élections générales en France et en Italie pourraient s’avérer d’une importance capitale et ajouter à l’incertitude, tout comme le conflit en Ukraine (où les États-Unis et la Russie semblent se jauger), les guerres commerciales omniprésentes et les continuelles retombées du « Brexit ». On peut difficilement ignorer le principal moteur de l’attitude agressive des banques centrales dont on parle tant, à savoir l’inflation qui ne cesse de croître. Il est clair qu’elle semble avoir encore de l’avenir, grâce notamment à la hausse continuelle des prix des matières premières. Cependant, il est une fois de plus important de noter que la flambée de l’inflation est un phénomène que les banques centrales ne peuvent pas contrôler ou sur lequel elles n’ont que peu d’influence, car elle est davantage motivée par les restrictions de l’offre et les prix des matières premières que par la demande et la consommation. Cela s’ajoute une fois de plus à la liste des éléments qui pourraient conduire à une erreur de politique, ce qui renforce encore la possibilité d’une plus grande volatilité sur les marchés.

 

Position toujours négative sur les taux américains

Le cycle économique a ralenti aux États-Unis le mois dernier, principalement en raison de la modération de la composante de consommation (ventes de détail et de gros), qui semble revenir à la moyenne. La bonne nouvelle est que le déclin du cycle d’activité semble toucher à sa fin, car l’indice de diffusion et le taux d’amélioration des composantes du cycle augmentent. Il y a donc une très faible probabilité que le cycle revienne au stade de la « réparation ». Les marchés du travail résistent bien, avec des taux de chômage de plus en plus bas. Le cycle d’inflation, qui était jusqu’à présent très solide, semble atteindre un sommet, la composante logement étant le maillon le plus faible. Toutefois, nous notons la forte amélioration de l’inflation salariale, qui est l’une des composantes les plus importantes sur lesquelles nous nous concentrons. La Fed a ajusté sa politique au marché, le taux médian des fonds fédéraux pour 2022/2023 correspondant à leur taux futur. Le marché intègre actuellement les trois hausses prévues en 2022 (mars, juin et septembre), avec une anticipation de la politique. Dans ce contexte, nous maintenons une position courte sur les taux américains (à 5 ans et à 10 ans). Nous sommes conscients que cette position comporte des risques que nous entendons surveiller de très près. En effet, une erreur de politique (retrait brutal des mesures de soutien) pourrait avoir des effets négatifs sur l’économie américaine, tandis que l’impact des variants de COVID-19 risque d’être exacerbé dans un contexte sans soutien monétaire.  

Nous maintenons notre opinion négative sur les taux néo-zélandais, en raison de nouveaux chiffres économiques positifs et de la réduction des achats d’actifs de la banque centrale. En Australie, la banque centrale s’est montrée prête à maintenir son taux réduit jusqu’en février 2022. Cela se traduit également par une opinion négative sur les taux australiens. Cependant, nous voyons un certain potentiel pour une opération de valeur relative impliquant une position longue sur la Nouvelle-Zélande et une position courte sur l’Australie dans le segment des échéances à 10 ans. L’économie australienne semble être en bonne voie pour bénéficier de la réouverture, du faible taux de chômage et du taux d’épargne élevé. La Nouvelle-Zélande, quant à elle, a déjà entamé son cycle de hausse, et sa courbe tient déjà compte de beaucoup d’éléments. Il existe également une grande progression des échanges qui soutient l’argument de la valorisation.  

Nous avons pris des bénéfices partiels sur les points morts australiens, qui ont bien performé. Nous nous attendons à ce que les rendements réels stimulent l’augmentation des taux à l’avenir. Nous pensons que les points morts d’inflation américains présentent une meilleure valeur et augmentons donc notre allocation les concernant. Le cycle d’inflation est très fort aux États-Unis, et le potentiel à court terme est suffisamment important pour protéger de toute remontée des rendements réels.

 

Position courte sur les taux allemands

Le cadre général est négatif tant pour les taux « core » que pour les taux périphériques de la zone euro. Sur le cycle monétaire, la BCE a déjà annoncé le retrait progressif de son programme d’assouplissement quantitatif, mais a clairement indiqué qu’elle ne s’engagerait pas dans des hausses de taux en 2022. En ce qui concerne les prévisions de la BCE, il y a eu quelques ajustements, mais l’inflation est toujours indiquée comme inférieure à 2 % en 2023. Nous nous attendons à une offre importante sur le marché, qui ne sera pas compensée par un programme d’achat d’actifs, ce qui est un facteur négatif pour la duration de la zone euro. À la lumière de l’amélioration des chiffres de croissance et d’inflation, nous anticipons une hausse modérée des taux « core » — qui affichent déjà des valorisations serrées —, ce qui justifie notre positionnement négatif sur l’Allemagne. Nous nous attendons à des épisodes de volatilité des spreads dans les semaines à venir en Italie, car l’échéance de l’élection présidentielle approche et son résultat est loin d’être clair. Le centre droit et le centre gauche ne disposent pas d’un soutien suffisant pour élire le président de manière indépendante, ce qui rend nécessaire un accord de coalition. Bien que nous soyons globalement positifs quant au résultat, car nous pensons que Mario Draghi continuera à jouer un rôle clé de garant de la continuité (en tant que PM ou en tant que président), nous pensons néanmoins que la volatilité va rester élevée. Nous avons fortement réduit notre exposition « non-core » au cours du dernier trimestre, et formulons maintenant une opinion neutre sur les emprunts des États périphériques. La faiblesse des facteurs techniques, la baisse du soutien des banques centrales et la hausse du risque politique expliquent cette position prudente.

Nous maintenons une opinion positive sur les points morts d’inflation européens, bien que nous ayons pris quelques bénéfices mi-novembre, après leur forte progression. Les niveaux d’inflation ont fortement augmenté et nous estimons que l’inflation restera élevée au premier semestre 2022, malgré une certaine décélération. À court terme, le portage sur la position longue reste élevé, ce qui est favorable à la classe d’actifs. Les performances ont été fortes au cours des deux derniers mois, et la plupart des moteurs restent positifs. Nous sommes dès lors optimistes sur les points morts d’inflation, en particulier sur l’échéance à 5 ans, compte tenu des valorisations, de la dynamique d’inflation à court terme, du portage, de notre modèle de points morts et de la politique monétaire. Nous suivons la position avec beaucoup d’attention, car il y aura un certain ralentissement de l’inflation en raison de la dynamique technique, même si l’inflation globale devrait rester assez forte.

 

Crédit : neutre sur l’IG EUR et négatif sur le HY euro

IG UE : Notre position sur la classe d’actifs est maintenant neutre (venant de surpondéré), bien que nous maintenions une préférence pour les financières. Les spreads se sont resserrés en décembre (environ 10 pb) pour atteindre 95 pb, ce que nous considérons comme tendu. Les pressions inflationnistes étant élevées, nous sommes à un tournant de la politique monétaire et les banques centrales durcissent de plus en plus le ton, ce qui entraîne une diminution du soutien majeur aux marchés IG. En outre, le secteur immobilier chinois et le variant de la COVID-19 continuent de susciter des incertitudes, au risque de ralentir la trajectoire de la croissance mondiale. Les écarts et le risque ponctuel augmentent entre les profils des émetteurs, car les entreprises agissent différemment à ce stade : certaines bénéficient d’un pouvoir de fixation des prix, certaines consolident leur classement en réalisant des acquisitions, tandis que d’autres souffrent de la hausse des coûts. Nous constatons un nombre croissant de mesures favorables aux actions (dividendes, rachats d’actions, etc.), susceptibles d’avoir un impact négatif sur les marchés du crédit. La sélectivité (par une rigoureuse recherche fondamentale) sera de la plus haute importance. L’offre est en hausse (surtout en janvier). Les financières constituent toujours une classe d’actifs intéressante, relativement immunisée contre la pénurie d’approvisionnement et la crise énergétique. Concernant les facteurs techniques, la combinaison d'une offre nette actuellement moins favorable et d'une baisse des flux entrants dans le segment Euro IG devrait également exercer une pression sur les spreads. Nous considérons également les points morts d’inflation comme attrayants dans le segment financier, en particulier sur le court terme.

HY UE : Pour les raisons mentionnées ci-dessus (soutien monétaire de plus en plus faible et détérioration des fondamentaux), nous formulons une opinion négative sur la classe d’actifs. Les spreads se sont resserrés de 40 pb pour atteindre 330 pb, ce qui est très faible, et nous considérons donc le rapport risque/récompense comme relativement peu attrayant à ce stade. Une fois de plus, nous privilégions un niveau élevé de sélectivité dans le contexte de la dispersion croissante, et nous privilégions la gestion active. .

Enfin, nous pensons que les convertibles en euros devraient bénéficier d’une dynamique positive liée à l’action coordonnée du fonds de relance européen Next Generation et à la croissance des bénéfices. Si cette dynamique est certes un peu moins favorable, les valorisations européennes restent attrayantes, notamment dans un contexte de pressions inflationnistes. Nous remarquons que les marchés des actions ont souffert récemment, mais nous pensons que cela est principalement le résultat d’une orientation sectorielle de cette classe d’actifs vers la technologie. Il s’agit bien entendu d’un risque que nous devons surveiller à l’avenir.

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